Les souvenirs ou les attaches au passé (Jours 35 à 39)

L’Hier est peuplé de nos expériences, de nos mondes et des gens fréquentés au fil des chemins empruntés.  L’Hier, il est toujours là, quelque part, au cas où on aurait envie d’y revenir.  Il suit nos traces et nous rappelle, de temps à autre, que nos passages , nos résistances, nos joies et nos blessures  ont une voix.  Toutefois, il ne nous connaît pas maintenant.   Il est trop occupé; il emmagasine.

On parle du passé, d’étapes antérieures, d’annales akashiques (akashick records).  On se souvient.  Pas de tout, mais de ce qui nous a marqué, positivement ou négativement.  Au bout de la ligne, on en arrive souvent à en faire une oeuvre constructive, à moins, par exemple,  que l’on ne se réfugie dans le déni, l’oubli sélectif ou la mélancolie.  Les mémoires prennent le rang de l’Hier.  C’est inévitable.

Il nous appartient de les laisser s’y installer ou de les rappeler à nous. De se sentir, parfois, ivres du souvenir de leur présence.  Car il peut s’avérer ardu de fermer la porte sur un souvenir,  de signer le livre et de le remettre au prochain ou de le placer sur une tablette.  On s’y sent attaché.  On veut s’assurer que rien ne se perdra, qu’il restera quelque chose de ce qu’on a vécu.  On souhaite entendre encore sa rengaine, même si son air nous attriste, même si son refrain nous transporte dans un espace voué à disparaître.  Ce qu’on a déjà vécu, la zone du connu, ça rassure.  Dans la joie comme dans la douleur.

Pour le meilleur et pour le pire.  Dans une perception d’actualité, on est une nouvelle personne, on file à un rythme différent, on établit des relations qui rafraîchissent.   Mais il arrive qu’il reste, quelque part, ce morceau qui nous empêche de dénouer la totalité des noeuds, de passer le cap de ce qui bloque.  On retrace, on apprend autrement, on cherche.  Comme si la solution, le pont entre les choix et les réalités reliait deux mondes et qu’il en restait un à découvrir.  Et on ne le voit pas.  Peu importent les connaissances accumulées, les vécus observés, étudiés, puis analysés, la clé, le portrait global, manquent à l’appel.

Au coeur de l’Hier, on retrouve une dimension s’apparentant à Où est Charlie, cette gamme d’ouvrages enfantins où abondent les décors débordant d’images nous invitant à retrouver Charlie, le personnage principal, le héros de la collection.  Ainsi, le passé regorge de ces tableaux remplis de données tantôt posées en vrac, tantôt structurées et dont l’usage demeure partiel.  On joue donc à se récupérer soi-même de part et d’autres au gré de nos besoins.  Et quelques fois, ça nous étourdit, ça nous déçoit ou nous mène à croire que l’on ne peut accéder à mieux.

Une question se présente: a-t-on vraiment besoin de revoir et de reconstituer cet Hier maintenant pour faire avancer les choses, pour que s’arrêtent les scénarios qu’on se répète inlassablement, à différentes sauces?  Nombreux sont ceux qui répondraient non.  Alors, où se trouve donc la clé?    Nous l’avons cherchée, encore et encore, mais elle ne semble pas exister aux recoins de nos souvenirs.  Nous grandissons, nous évoluons sans comprendre pourquoi nous ne pouvons traverser le pont pour de vrai et faire fleurir la réalité dont nous avons tant rêvé.

Aujourd’hui, nous avons la capacité d’observer que nous sommes bourrés de talents, que les connaissances et les aptitudes font l’apanage de nos offrandes à la société, que nos potentiels ont la possibilité de s’actualiser avec une constance et une force plus qu’intéressantes.  Aujourd’hui, nous savons que la vie est un parcours qui nous appartient, que nous l’avons choisie et créée à notre image et que nous avons l’opportunité de lui présenter la beauté de ce que nous sommes.  Pourtant, il manque quelque chose.

Il s’agit ici d’un constat auquel nous pouvons toujours arriver.  Bien entendu.  C’est peut-être aussi une piste nous indiquant qu’on est à la veille du lâcher prise, le Grand lâcher prise.  Quoi qu’il en soit, nous nous y retrouvons et ne comprenons pas nécessairement pourquoi il en est ainsi.  Et nous recommençons: nous refaisons le tour de notre maison, de nos bibliothèques, de nos souvenirs.  Nous consultons – une dernière fois, se dira-t-on – l’Hier en vue de prendre action au présent afin de continuer avec verve, un maximum d’atouts possibles en main.

Puis, tout d’un coup, on s’arrête.  Et on se souvient: nous avions remis nos clés à quelqu’un d’autre. 

Il pouvait bien paraître difficile de mettre la main dessus, puisqu’elle ne se trouvaient pas chez nous.  Elles nous reliaient, indirectement, à une banque de données à laquelle nous ne pouvions accéder, celle-ci ne nous appartenant pas.  Les clés, elles, oui.  Et pour débloquer, pour traverser le pont, pour passer, pour fermer le livre, nous en avions besoin.

C’est alors que le coeur bouge; on se sent peut-être étourdi, le souffle se fait court, on a mal au ventre, on se précipite à la toilette.  Les moyens nous font défaut, le temps d’évacuer.  Puis on respire, un peu, beaucoup, courageusement.  Fermeté et détermination sont au rendez-vous maintenant.

Il est temps d’aller récupérer les clés.

Jours 29 à 33 – Viens t’asseoir

2013-11-01 08.37.29Jours 29 à 33- Viens t’asseoir

Je n’ai pas pu y résister: j’ai regardé  ma causeuse extérieure et me suis laissée tenter!  Bon, il est vrai qu’elle n’est pas très actuelle, cependant, elle occupe ma terrasse (sous le toit-balcon) avec un certain charme. Et elle me fait penser à une histoire.

Il m’est arrivé de rencontrer quelque’un qui avait souvent  l’impression de n’avoir pas grand chose à dire, à écrire ou à rayonner.  Cette personne avait, en de nombreuses occasions, arrêté de communiquer en se disant que ça ne valait pas la peine, qu’il était préférable de laisser en place ce qui se  dessinait (qu’il s’agisse de situations, d’interactions, de réactions ou de réflexions) et d’imaginer que le reste s’arrangerait ou disparaîtrait avec le temps.  Elle s’était déjà convaincue du danger de l’expression de soi, des sentiments, de ce qui se trame de l’intérieur.  Elle craignait l’affirmation et ce que cela impliquait comme engagement.  Elle se trouvait saisie par la possible expression d’une limite – pour elle.  Ce faisant, l’autocensure s’était chargée de marcher à ses côtés.  Cette personne l’écoutait, bien entendu.  Puis le doute est arrivé.

D’année en année, la personne explorait des pistes, découvrait des gens, des philosophies, des lieux, des habitudes et des modes de survie tantôt propres  à la faire grandir, tantôt susceptibles de la replonger dans un espace de pause, où rien ne change.  Elle prenait souvent le temps de se questionner sur son chemin, sur ce que son coeur voulait, sur les raisons de sa présence à un endroit ou à un autre.  Tout le temps, elle se demandait s’il fallait qu’elle se laisse aller, s’il était normal de s’écouter.  Elle est  devenue artiste de la remise en question, du doute chronique, de la peur.  Elle avait refusé de parler pour ne pas blesser, pour éviter de faire erreur.

D’année en année, elle voulait retrouver le pouls de la vie.  Et elle en était venue à comprendre, un jour, que ses silences l’avaient ralenti.

Chemin faisant, elle fréquentait les expériences difficiles, lot de chaque existence (ou presque) roulant sa bosse bosse ici-bas.  De fil en aiguille, elle avait rencontré le père de ses enfants, lesquels étaient nés à grand renfort de présence d’amour.  Elle les avait vu lancer leur premier cri à la vie, les avait accompagnés  depuis l’origine.  Elle avait emménagé ailleurs, puis ailleurs encore.  Elle avait vécu le travail sous le joug de l’incertitude, avait rompu avec papa des marmots et mis ses bottines en vue de parcourir une autre branche de la route.  À pied, elle avait transporté ses boites, ses enfants et ses chats dans l’espoir d’offrir à tous de meilleurs moments.

Dans les yeux des petits, dans le miroir que lui offraient, de temps à autre, les grands, elle décelait ce à quoi pouvait ressembler l’amour.  Tranquillement, elle en retraçait la source à l’intérieur d’elle-même.  Elle réapprenait à en prendre soin.

Je l’ai côtoyée  à ce moment.

Elle était douce, forte et sensible, cette personne.  Toutefois, elle semblait avoir beaucoup de mal à le voir.  À concéder, aussi, que la vie qu’elle s’était créée s’avérait loin de ce qu’elle souhaitait apposer à un album de souvenirs précieux.  Il lui semblait, ponctuellement, que tout s’écroulait autour d’elle, qu’elle ne pourrait soutenir une telle vie à condition d’imaginer qu’il pouvait y avoir mieux, qu’il était possible d’accueillir la facilité.  Ses colères, inexprimées, se transformaient en maux de tête.  Bref, elle était endormie.  Encore.

Puis elle avait commencé à écrire des listes (pour l’épicerie de sa vie), à faire de ses rêves un collage, à recenser les images, les pensées, les textes lui inspirant ce à quoi elle aspirait pour elle, pour ses enfants, pour sa famille, pour tous.  Elle s’était souvenu, également, qu’elle avait une voix et qu’il lui était possible de l’utiliser.  Qu’elle pouvait l’offrir comme le cadeau des communications qui la reliaient au monde.  Bien entendu, il lui était arrivé d’avoir l’impression de déplaire, de dire autre chose que ce que l’on attendait d’elle.  Elle s’était sentie, je crois, bousculée.  Malgré tout, cette personne avait choisi de continuer. D’avancer, main dans la main avec une nouvelle vie.

Elle avait pris le temps.  Elle s’était laissée allée.  Elle s’était rappelé.  Et elle avait ouvert sa porte.  « Love Blooms Here« .

De coïncidences en petits miracles, le quotidien battait son plein.  Les couleurs étaient réapparues.  Les mots circulaient.  Et une chaleur, La chaleur émanait de sa présence.  Il se passait quelque chose.  Le temps marquait des points.

Puis, un matin, le coeur vivant, elle avait décidé de répondre à l’appel: son électricité avait synchronisé avec celle de l’Autre.  Des trésors de retrouvailles.  Un instant en appelait une infinité d’autres.  Un mélange de présence, de fébrilité, de branchements instantanés s’était  installé pour accueillir des méandres d’amour aptes à transporter une planète…à inviter à jeter l’ancre, pour de vrai.  À nouveau, il se passait quelque chose.  Une reconnaissance occupait la place; un engagement naissait.  L’Amour fleurit ici.

L’Amour fleurit pour  ceux qui vivent l’histoire.

Voilà.  Plutôt que de dire FIN, j’aurais tendance à emprunter DÉBUT, puisque c’est peut-être là que tout commence.

 Et je vois venir le moment de laisser partir, avec mon vieux fauteuil, les récits usés afin que grandissent, sur la place, ceux qui commencent à rayonner.

Autrement dit, il est temps d’oser briller.

Embrassons-nous;

embrasons-nous

Amour d’amour

Je t’aime

P.S. : (On ne peut pas être redondant avec l’amour:) )

 

Jour 25 à 28- Tout ce qui compte, c’est l’amour


Jour 25, 26, 27, 28

Quatre journées à textes effacés; quatre parenthèses au quotidien.  Trois périodes de sommeil entrecoupées.  Puis, je lis, dans un texte de Jean (L’univers de Jean Rochette): ``tout ce qui compte, c’est l’amour« .  Mets-en!  

D’un coup, les pensées vagabondes, les réflexions, puis les émotions coincées prennent le large et voilà que je me retrouve devant mon téléphone cellulaire et mon ordinateur, réveillée par le son des mots: tout ce qui compte, c’est l’amour.

L’appétit revient, la lumière semble chaude et j’expire l’impatience de ne pas être là où je voudrais me trouver, au moment idéal, simplement.  Je réalise que je me contiens pour ne pas exposer cette panoplie d’inquiétudes, de stress et de doutes me traversant l’esprit. Force m’est de constater que je  n’y arrive pas très bien:  ceux qui m’entourent le ressentent.  Assise, repassant les maux de tête de la journée, je me dis que j’aurais aimé prendre et redistribuer le tout plus paisiblement.  Tout ce qui compte, c’est l’amour.

Oui, mais on peut compter le temps, le budget, les objectifs, les lieux, les gens à rencontrer, les attentes à satisfaire (envers soi-même comme envers les autres)et davantage…Des facteurs interpellant l’attention et la présence à un rythme susceptible de se déchaîner si on se laisse prendre au jeu.  Et comme, en général, on aime bien jouer, je peux confirmer que, de mon côté, je pédale.  J’en oublie les bases, les racines, l’essentiel: tout ce qui compte, c’est l’amour.

J’ai souvent eu l’impression d’apprendre en accéléré, de vivre des initiations, de me retrouver face à une nouvelle partie de mon existence comme un trésor dont la découverte recelait de nombreux présents.  Chaque fois, j’ai ressenti quelque chose de fort.  J’ai cru me rapprocher du sommet de la montagne que j’avais choisi d’escalader.  De cette vie dont j’ai souvent rêvé.  De rêve en rêve, je me suis retrouvée, accompagnée, à différents palliers.  De rêve en rêve, je me suis rencontrée, dans l’individualité, sur les sentiers empruntés.  Pourtant, dans les éclairs d’obscurités passagères, de nombreux rappels ont été nécessaires pour me rappeler que tout ce qui compte, c’est l’amour.

On pourra dire que l’on ne vit pas que d’amour et d’eau fraîche (règle générale).  J’y consens.  Il n’en demeure pas moins que de nombreuses perles de vie, la présence de l’Amour, du conjoint/de la conjointe, des enfants, de réalités que l’on chérit se trouvent, de temps à autre, retranchés dans un espace-poussière parce qu’on ne prend pas le temps de les écouter, de les contempler, de les toucher.   Puis, peut-être, au moment où la tête n’en peut plus, on se rappelle qu’on les aime.  Tout ce qui compte, c’est l’amour.

C’est la faute au système! C’est la faute aux planètes! À nos blessures! À nos incapacités. On risque tout.  « Jetons nos armes.  Dénonçons ce que nous avons créé« . Et après?  Bien, après il se passe quelque chose.  Ils se glissent, les sons oubliés, les sourires qui s’étaient effacés, les fleurs de présence résonnant de coeur à coeur.  Elle se créer, l’harmonie.  Tout ce qui compte, c’est l’amour.

Alors, comment se fait-il qu’on puisse ressentir, parfois, le pouls d’un volcan qui existe encore?  Comment peut-on perdre la trace d’un rayonnement dont la portée étonne?  S’égarer et s’en rendre compte? Avec humilité, j’ai envie de croire que l’on n’ose pas toujours s’exprimer. Que l’on préfère, ici et là, imposer le silence à nos coeurs et laisser nos têtes occuper la place, gérer la mise en scène, régler la performance.  Jusqu’à ce que s’immisce l’élan ainsi que la racine: tout ce qui compte, c’est l’amour.

La solution m’échappe.  Je regrette les instants où j’ai carburé à la pression.  Moment présent, dirons-nous. MOMENT PRÉSENT.  Oui, d’accord.  Cependant, il me reste un temps pour penser, pour redessiner ce que j’aurais aimé partagé.  Un souffle pour taquiner le passé et me promettre de ne plus recommencer.  Avec l’espoir d’y arriver.  Tout ce qui compte, c’est l’amour.

J’en fait une prière, avec l’idée de la transporter, de part et d’autre, le souhait de lire sur toute les lèvres un jour: tout ce qui compte, c’est l’amour.

À savoir si on y parviendra, entre le rêve… et la réalité.

D’un trésor à un autre