Jours 29 à 33- Viens t’asseoir
Je n’ai pas pu y résister: j’ai regardé ma causeuse extérieure et me suis laissée tenter! Bon, il est vrai qu’elle n’est pas très actuelle, cependant, elle occupe ma terrasse (sous le toit-balcon) avec un certain charme. Et elle me fait penser à une histoire.
Il m’est arrivé de rencontrer quelque’un qui avait souvent l’impression de n’avoir pas grand chose à dire, à écrire ou à rayonner. Cette personne avait, en de nombreuses occasions, arrêté de communiquer en se disant que ça ne valait pas la peine, qu’il était préférable de laisser en place ce qui se dessinait (qu’il s’agisse de situations, d’interactions, de réactions ou de réflexions) et d’imaginer que le reste s’arrangerait ou disparaîtrait avec le temps. Elle s’était déjà convaincue du danger de l’expression de soi, des sentiments, de ce qui se trame de l’intérieur. Elle craignait l’affirmation et ce que cela impliquait comme engagement. Elle se trouvait saisie par la possible expression d’une limite – pour elle. Ce faisant, l’autocensure s’était chargée de marcher à ses côtés. Cette personne l’écoutait, bien entendu. Puis le doute est arrivé.
D’année en année, la personne explorait des pistes, découvrait des gens, des philosophies, des lieux, des habitudes et des modes de survie tantôt propres à la faire grandir, tantôt susceptibles de la replonger dans un espace de pause, où rien ne change. Elle prenait souvent le temps de se questionner sur son chemin, sur ce que son coeur voulait, sur les raisons de sa présence à un endroit ou à un autre. Tout le temps, elle se demandait s’il fallait qu’elle se laisse aller, s’il était normal de s’écouter. Elle est devenue artiste de la remise en question, du doute chronique, de la peur. Elle avait refusé de parler pour ne pas blesser, pour éviter de faire erreur.
D’année en année, elle voulait retrouver le pouls de la vie. Et elle en était venue à comprendre, un jour, que ses silences l’avaient ralenti.
Chemin faisant, elle fréquentait les expériences difficiles, lot de chaque existence (ou presque) roulant sa bosse bosse ici-bas. De fil en aiguille, elle avait rencontré le père de ses enfants, lesquels étaient nés à grand renfort de présence d’amour. Elle les avait vu lancer leur premier cri à la vie, les avait accompagnés depuis l’origine. Elle avait emménagé ailleurs, puis ailleurs encore. Elle avait vécu le travail sous le joug de l’incertitude, avait rompu avec papa des marmots et mis ses bottines en vue de parcourir une autre branche de la route. À pied, elle avait transporté ses boites, ses enfants et ses chats dans l’espoir d’offrir à tous de meilleurs moments.
Dans les yeux des petits, dans le miroir que lui offraient, de temps à autre, les grands, elle décelait ce à quoi pouvait ressembler l’amour. Tranquillement, elle en retraçait la source à l’intérieur d’elle-même. Elle réapprenait à en prendre soin.
Je l’ai côtoyée à ce moment.
Elle était douce, forte et sensible, cette personne. Toutefois, elle semblait avoir beaucoup de mal à le voir. À concéder, aussi, que la vie qu’elle s’était créée s’avérait loin de ce qu’elle souhaitait apposer à un album de souvenirs précieux. Il lui semblait, ponctuellement, que tout s’écroulait autour d’elle, qu’elle ne pourrait soutenir une telle vie à condition d’imaginer qu’il pouvait y avoir mieux, qu’il était possible d’accueillir la facilité. Ses colères, inexprimées, se transformaient en maux de tête. Bref, elle était endormie. Encore.
Puis elle avait commencé à écrire des listes (pour l’épicerie de sa vie), à faire de ses rêves un collage, à recenser les images, les pensées, les textes lui inspirant ce à quoi elle aspirait pour elle, pour ses enfants, pour sa famille, pour tous. Elle s’était souvenu, également, qu’elle avait une voix et qu’il lui était possible de l’utiliser. Qu’elle pouvait l’offrir comme le cadeau des communications qui la reliaient au monde. Bien entendu, il lui était arrivé d’avoir l’impression de déplaire, de dire autre chose que ce que l’on attendait d’elle. Elle s’était sentie, je crois, bousculée. Malgré tout, cette personne avait choisi de continuer. D’avancer, main dans la main avec une nouvelle vie.
Elle avait pris le temps. Elle s’était laissée allée. Elle s’était rappelé. Et elle avait ouvert sa porte. « Love Blooms Here« .
De coïncidences en petits miracles, le quotidien battait son plein. Les couleurs étaient réapparues. Les mots circulaient. Et une chaleur, La chaleur émanait de sa présence. Il se passait quelque chose. Le temps marquait des points.
Puis, un matin, le coeur vivant, elle avait décidé de répondre à l’appel: son électricité avait synchronisé avec celle de l’Autre. Des trésors de retrouvailles. Un instant en appelait une infinité d’autres. Un mélange de présence, de fébrilité, de branchements instantanés s’était installé pour accueillir des méandres d’amour aptes à transporter une planète…à inviter à jeter l’ancre, pour de vrai. À nouveau, il se passait quelque chose. Une reconnaissance occupait la place; un engagement naissait. L’Amour fleurit ici.
L’Amour fleurit pour ceux qui vivent l’histoire.
Voilà. Plutôt que de dire FIN, j’aurais tendance à emprunter DÉBUT, puisque c’est peut-être là que tout commence.
Et je vois venir le moment de laisser partir, avec mon vieux fauteuil, les récits usés afin que grandissent, sur la place, ceux qui commencent à rayonner.
Autrement dit, il est temps d’oser briller.
Embrassons-nous;
embrasons-nous
Amour d’amour
Je t’aime
P.S. : (On ne peut pas être redondant avec l’amour:) )