Relais du Lac Memphrémagog, édition 2017

L’équipe Bonheur illimité; manquant sur la photo, notre accompagnateur, Luc

Relais du Lac Memphrémagog, édition 2017

Crédit photo: François Poitras

Au départ du Relais, sous un soleil torride (cette expression n’est pas poétique, c’était littéralement le cas), nous étions six bienheureux , prêts à partager une journée pour une incroyable cause: courir en vue d’amasser des fonds pour la jeunesse de l’Estrie par le biais de la Fondation Christian Vachon.

Ce Relais en est un qui s’étend sur 123km et qui permet de faire le tour du Lac Memphrémagog.  Pour la onzième année, deux cent équipes de coureurs se sont rejoints afin de prendre part à la levée de fonds, tout en mouvement.  Comme une énorme famille, ça court, ça pédale, ça mange et ça boit du matin au soir.  Il y règne un esprit particulier.  On peut sentir la chaleur qui s’en dégage (d’autant plus cette année, compte tenu de la température ambiante)!  J’habite la région depuis presque quatre ans parce que je m’y suis sentie chez moi.  L’étendue et la beauté de sa nature me touche.  Les gens d’ici me touchent aussi (j’ai l’impression de me sentir perpétuellement émue) et ce qui s’y développe également.  Il est vrai que chacune des régions que nous habitons peut nous remuer, à sa façon, mais j’ai tendance à croire qu’ici, il se passe quelque chose de spécial.

À mes yeux, cette course à relais en était une où j’ai pu vivre et observer l’effort, le dépassement de soi, la satisfaction et le plaisir de contribuer, chacun à sa façon.  J’ai vu des passants offrir de l’eau aux coureurs, des bénévoles costumés et souriants, des responsables fort occupés, des commanditaires épatés, des enfants mis au défi et des athlètes de tous acabits.  J’ai eu le sentiment, au cours de cette journée, d’être entourée d’une équipe investie, soucieuse du bien-être de chacun et drôle à souhait.  Certains moments ont été plus difficiles, notamment en raison de la chaleur, et pourtant, tous ont progressé avec une volonté et un enthousiasme palpables.  Les rythmes étaient variables, permettant à chaque personne de s’aiguiller sur son objectif pour y arriver.  Il y avait, dans le respect de chacun, une grande force.  J’en ai été ébahie.

Au fil des heures, je me suis permis de suivre plusieurs coureurs de mon équipe.  Chacun des points de contrôle semblait se présenter comme un momentum pour créer un nouveau mouvement vers l’avant.  Je me sentais heureuse de pouvoir bénéficier de leur présence, d’observer leur détermination, de ressentir l’élan, comme la fatigue, qui allaient nous mener jusqu’au bout du parcours.  Nous n’avions pas une visée compétitive, mais bien un regard porté vers l’expérience, vers la joie de pouvoir être là, tout simplement.  Tout rond.  Tout au complet.

Je sais que ceux et celles qui l’ont vécu à répétition sont nombreux et que c’est, pour les gens de ma région, un événement particulier, comme une forme de tradition.  Un rendez-vous unique.  D’année en année, certains vont et viennent, mais je crois que l’ensemble du processus – la préparation, le recueillement des fonds, la course et la gestions des dons recueillis auprès des enfants, des élèves en besoin – laisse une empreinte particulière à ceux et celles qui s’y impliquent.  Je crois que c’est l’un des beaux mouvements de masse qui existent au Québec et qui permettent d’avoir un impact important en vue d’aider nos jeunes, de leur offrir un coup de pouce.  J’en ai été témoin.

123km, c’est une longue journée; le tour du Lac, comme on l’appelle.  Du matin au soir, on boucle la boucle.  Un peu comme le chemin d’une vie.  On passe d’étapes en étapes (14 points de contrôle où se trouvent des bénévoles et des équipiers magiques, oui, oui!), de chemins, bitumés à chemins de terre, de pentes abruptes à de longues descentes, du soleil à la lune, toujours, à un rythme qui nous ressemble.  On peut rire, pleurer, avoir mal, être soulagé, se sentir fébrile, impatient, heureux et j’en passe.  Pour certains, c’est une petite expérience.  Pour d’autres, elle est énorme.  Mais, dans tous les cas, on la sent dans son corps, dans son coeur et aussi dans sa tête.  Elle fait travailler tous les muscles, comme on dit.  J’ai d’ailleurs entendu un jeune coureur commenter son parcours en disant: c’est « mental ».  Il n’avait pas tort.

De retour au point de départ, enveloppée par les flambeaux, à près de 21h, entourée de mes coéquipiers et coéquipières, je me suis sentie portée par l’énergie collective, par tout ce qui avait été déployé pour que ce moment se présente avec autant de couleurs, de valeur et de sens.  On le vit dans l’instant, on le sent (nous avions eu tellement chaud!).  Et le sens reste.  C’est, je crois, ce qui remue Magog.

Et c’est aussi ce qui, je n’en doute pas, remuera invariablement le Québec.  Parce que nos jeunes en ont besoin.  Et ça, ça fait toujours du bien.

Merci à l’organisation, aux bénévoles, aux familles, aux touts petits et aux coureurs, ceux qui se  »font aller les jambes ».  Vous êtes incroyables!

Et un gigantesque merci à mon équipe Bonheur: vous avez toute mon admiration!

 

Quand on parle du Diable

Je suis arrivée sur le site, en vue de participer à l’une des courses endiablées du weekend, juste à temps pour entendre l’ondée d’applaudissements et les voix qui célébraient le départ du 80km.  Il était cinq heures am.  L’un des passagers de la navette que j’avais empruntée en était sorti en trombe, se précipitant dans le sentier pour rejoindre le groupe, car il s’agissait de son départ.  Pas de doute : il avait le diable au corps!

Faire une expédition en Mauricie, à St-Mathieu-du-Parc tout particulièrement, avait une connotation bien spéciale pour moi.  J’y ai partiellement grandi et mes premiers souvenirs de nature sauvage s’y trouvent.  Ça me fait l’effet d’un pèlerinage (ou enfin, de l’idée que j’en ai).  Quand on m’avait demandé, dans l’autobus qui nous conduisait au départ du parcours de 50km, ce que j’en pensais, j’avais répondu que c’était superbe et qu’on sentait à peine le dénivelé positif.  Je crois bien avoir parlé des stations de ravitaillement ainsi que de l’accueil coloré et vraiment agréable des bénévoles.  J’avais été marquée, l’an dernier, par la générosité de tous, par la magie des lieux, et par l’aspect particulier du sentier.  J’ai encore vu juste  sur ce dernier point, par contre, concernant le dénivelé positif, j’ai eu l’impression d’y avoir été un peu légèrement.  Je m’excuse d’ailleurs auprès de mon collègue d’autobus, devant lequel j’ai tenu un discours minimisant l’aspect côteux (escarpé)!

Au moment de m’inscrire pour la course, j’avais hésité entre le 50 et le 80km.  Au terme du trajet, en voyant apparaître, un à un, les gens de chez nous enregistrés à ce deuxième tracé – le plus long, je me suis dit que j’avais fait un choix sage…pour cette année.  On en retient de belles sections linéaires, entrecoupées de roches allant de haut en bas, d’arbres tombés et de bifurcations où il était important de bien regarder.  Flèches, ‘’X’’ et bandes de ruban au sol m’ont évité de nombreux détours.  J’ai pu voir passer les long runners en cours de route (nous croisions les participants du 80km) et partager, momentanément, des encouragements en écho.  Aussi, sur le parcours, je crois que nous avons été plusieurs à courir en solo et ce, pendant de nombreuses heures.  J’en ai fait une expérience méditative.  Et j’en ai aussi été bouleversée.

Au milieu de la forêt, là où l’on ne s’attend généralement pas à voir des gens, se trouvait l’un des ravitaillements qui redonnait du pep.  Quelques ‘’bonjour’’ m’étaient venus à l’oreille et j’avais levé les yeux, identifiant ce que j’allais saisir au passage, saluant en même temps les bénévoles en place.  Puis, j’avais entendu mon nom.  Une connaissance de longue date était sur place, Pierre-Luc, me rappelant à mes souvenirs.  J’étais repartie, Coca Cola en bouche – l’une de mes découvertes inusitées de l’été – ragaillardie.

Plus la distance parcourue augmentait, parsemée de coureurs croisés, plus l’émotion prenait sa place.  J’avais entrepris la course avec l’intention de la terminer en respectant la fatigue et les blessures qui subsistaient (depuis la dernière aventure, deux semaines auparavant).  J’éprouvais de la gratitude pour tous ceux et celles qui m’avaient encouragée à y être, de la gratitude de pouvoir courir sur mes deux pieds et de regarder en avant.  Je remerciais tout ce que je voyais et qui pouvait exister.  Comme on nous l’avait décrit, après la descente en enfer et le purgatoire, on remontait au Paradis.  Il s’agissait d’une section abrupte et rocheuse, au terme de laquelle de nombreux anges, portant des pichets de limonade, nous attendaient – p.s. : je ne délire pas; c’était littéralement le cas!  Je ne vendrai pas tous les punchs, pour vous encourager à vous y rendre, cependant, je peux vous dire que c’était un arrêt fort apprécié de tous et de toutes.  Ici encore, j’ai croisé Geneviève, avec qui j’ai partagé cinq années d’école secondaire, laquelle avait un sourire éclatant et, ma foi, fort réconfortant.

Quelque chose me paraissait alors curieux:  l’un de mes plaisirs lorsque je cours en forêt, est de me laisser aller complètement au moment.  Être là, dans les pas.  Lire le sentier en mode instantané.  Pourtant, cette fois, il me semblait que les impressions du passé allaient et venaient : les fins de semaine avec les cadets de l’armée (lac en Croix), mon frère et ma sœur (jeunes et maintenant décédés), Pierre-Luc (leur ami) et Geneviève (impliquée dans l’organisation).  À près de deux kilomètres de la fin du parcours, dans une belle descente peuplée de cailloux, les larmes avaient fait leur chemin.  J’ai atteint le fil d’arrivée avec la voix résonnante de l’annonceur, les sourires de mon père et de sa conjointe, exceptionnellement présents.  Les heures passant, j’ai vu les coureurs de mon actuel coin de pays – l’Estrie – arriver, épuisés d’un 80km bien relevé, mais heureux d’y être enfin.   Les coureurs du 35, du 50 et du 80km se succédaient sous l’arche.  C’était beau.  J’ai enfin été touchée et fort remuée par l’arrivée d’une participante du 35km.  Elle avait entrepris sa course au nom du Centre de prévention suicide local, amassant près de 4000$ pour la cause.

Je me souviendrai de cette journée du 2 septembre comme de celle où les synchronicités se multiplient pour faire la paix avec le passé…en faisant ce que j’aime tout particulièrement : courir.  C’était un 50km aux paysages uniques, bordé de rochers et d’incroyables bénévoles. Tout compte fait, je l’ai bien vécu comme un pèlerinage.  D’autres diront que c’est une belle ‘’ride’’ entre l’Enfer et le Paradis…en passant par la Chute du Diable😉!

 

Merci à tous ceux qui ont contribué à organiser cet événement, aux restaurateurs, aux bénévoles, aux amis, à Jean-Paul, Josée, Izna et Arielle, ainsi qu’à tous ceux et celles qui m’ont soutenue par le biais de la campagne Makeachamp!  Vous m’avez touchée.

Quelques collègues du 80km (Anne et Geneviève au podium, Luc à la photo)!