Crédit photo: Normand Foucreault
Je n’ai pas fait du sport et de la course à pied mon métier. Mais, à l’instar d’innombrables personnes, j’adore m’entraîner, me fixer des objectifs, me trouver de nouveaux défis et participer à quelques courses. Pour moi. Pour me dépasser, pour méditer, pour voir où j’en suis aussi. Chacun y trouve son compte. C’est, je crois, ce qui fait de ce genre d’activité un moment unique où tant de gens différents se retrouvent et s’essouflent en gang.
Aussi, pour une dernière fois cette saison, avec l’idée de clore une année 2017 bien remplie, j’ai entrepris de m’inscrire à une course tout près de chez moi : le marathon de Magog…la veille de l’événement! Un beau 42 km, bien valonneux, que les habitués du coin connaissent pour sa difficulté et la température automnale, habituellement nuageuse, pluvieuse (et autrefois enneigée aussi). C’est un défi que les gens relèvent depuis quelques années déjà et qui, comme le dirait mon entraîneur, n’est pas recommandable pour tous! Il faut aimer ça. Il faut se sentir prêt à avoir froid. Il faut aussi se préparer à répéter un 21.1km qui en surprend plus d’un…et à le faire deux fois pour les marathoniens. Les courageux, tant au 21 km qu’au 42, semblaient assez nombreux, malgré les nuages, malgré la difficulté esquissée par le dénivelé affiché du parcours.
J’en avais donc fait mon affaire pour cette année.
J’étais prête. Fatiguée et un peu abîmée par une saison où les courses se sont avérées nombreuses et fructueuses en apprentissage, en cadeaux et en rencontres. À mes yeux, chacune d’entre elles constituent un voyage en soi. Une façon de se découvrir. De se retrouver aussi. Et de mûrir.
J’avais entamé la saison 2017, au printemps, avec un diagnostic d’épuisement. Avec la peur. La peur de ne plus pouvoir courir, pratiquer une discipline que j’aime et pour laquelle de nombreuses personnes m’avaient encouragée et supportée.
Alors même que le soleil et la chaleur arrivaient chez nous, je me souviens être tombée au sol à la fin d’une course – un tout petit 5 km – et me dire que quelque chose clochait vraiment. J’ai fait une pause obligée, en trichant un peu, et me suis remise sur pied en entamant la saison estivale avec les courses que je brûlais d’impatience de partager avec ces coureurs et ces coureuses qui représentent, pour moi, une grande famille. Les défis entrepris ont été riches en expériences. Je me suis sentie entourée, comme toujours, par d’incroyables personnes. Par une énergie de nature et de feu. Par la bonté de l’eau. Et par la chaleur aussi! En septembre, je me sentais comblée par les derniers mois, passés dehors à jouer, à m’entraîner et à échanger avec les autres.
Avec octobre est venue l’hésitation et la fatigue aussi. Je crois que, pour une première fois depuis longtemps, j’ai réalisé que mon corps avait besoin de ces moments de pause que, bien souvent, dans l’enthousiasme et dans la vague de plaisir, d’adrénaline aussi, j’oublie de m’offrir. À lire et à observer les défis relevés par chacun – Édith St-Amant¹, Éric Côté² et David Bombardier³, pour n’en nommer que quelques-uns – j’ai éprouvé une admiration sans borne à l’idée de ceux qui avaient osé, pour eux-mêmes. À L’idée que tous avaient pris le temps de construire le plan correspondant à ce qui les appelait. Dans la simplicité. Pour le plaisir. Et entourés de gens qui comptaient à leurs yeux. Je me suis dit que ces moments-là, peu importe la façon dont on les qualifie, sont inestimables. On s’en souvient. Toujours.
C’est dans cet élan, tout de même perplexe face à la fatigue accumulée, que je me suis retrouvée sur le parcours du 42 km de notre marathon local. Le marathon de la moustache (ou de Samuel Trudel, pourrait-on se risquer à dire) Le marathon de Magog. À 25 secondes du podium.
Je n’y avais pas tellement pensé, puisque mon objectif, au départ, était de réussir à gérer mes glucides et mon effort pour me préserver, pour me sentir en forme au terme de la course. Ha, ha! Les coureurs comprendront que « se sentir en forme après un marathon ou après un ultramarathon » est tout de même un objectif ambitieux. L’an dernier, sur ce même trajet, j’avais compris ce que voulait dire « frapper le mur ». Au 23ème km, mes jambes ne semblaient plus m’appartenir, raides comme de la pierre, et j’avais continué, jusqu’au bout, en me demandant si j’allais refaire ça un jour.
Cette année, je m’étais dit «pourquoi pas? ». Une belle fin de saison, qui faisait un peu broncher mon entraineur, avant de prendre congé de l’entraînement régulier. Juste un petit peu. Je ne voulais pas m’éclater. Je voulais juste être là.
À 25 secondes du podium. En cette dernière course de la saison, j’ai abdiqué à quelques centaines de mètres du fil d’arrivée, alors que je me préparais à doubler la jeune femme qui se tenait devant moi. Je l’observais, depuis une dizaine de kilomètres déjà, en me disant qu’elle avait travaillé fort et qu’elle méritait d’arriver gagnante. J’admirais son courage et sa présence. J’ai réalisé, après la course, que je n’avais même pas pensé aux efforts que j’avais moi-même déployés pour être là, à cet instant. En l’observant et en entendant ma collègue parler, le long de la dernière côte, je me suis demandé pourquoi j’avais fait ce choix. En me préparant, à grands renforts de souffle, à la dépasser, je me suis demandé ce que ça changerait, d’arriver juste assez rapidement pour accéder au podium. Et la seule réponse qui m’est venue en tête, à ce moment, avait été « la photo dans le journal ».
Et le déclic s’est fait. Instantanément, j’ai ralenti. Je me suis dit que je n’avais pas le droit d’enlever à la coureuse qui se tenait devant moi le plaisir d’arriver troisième. La fierté d’avoir complété cette épreuve avec mention. Tout au long de ces quelques centaines de mètres qu’il nous restait à parcourir, elle m’avait semblé heureuse. Et je me sentais contentée de la sentir souriante. Elle l’avait gagnée, cette course.
En ce 29 octobre 2017, j’ai donc franchi la ligne d’arrivée quatrième femme, quelques secondes derrière la troisième coureuse. C’est un détail, me direz-vous. Et vous avez bien raison.
Pourtant, j’y ai pensé pendant plusieurs jours. Parce qu’au terme de cette course, je n’ai pas pensé à moi. J’ai pensé à l’autre. Ça peut sembler honorable. Altruiste aussi. Si on veut…mais je crois qu’au fond, il s’est passé bien autre chose en moi.
J’en retiens que, pour 2018, j’ai encore besoin d’apprendre à me choisir. Dans le corps, dans le cœur, dans la vie comme dans la course, c’est un effort qui implique que tous nos sens soient à l’écoute. Que l’on s’accorde le droit et le choix de prendre soin de soi. Parce que c’est une priorité.
Et c’est là que commence tout bon entraînement. Après le repos, coach, bien entendu!
Bravoooooooo à tous les coureurs et à toutes les coureuses, qui étaient plus de mille, à franchir la ligne de départ et aussi la ligne d’arrivée des différents parcours du marathon de Magog cette année!
Au prochain printemps!
Ah…je risque de tricher un peu cet hiver, mais j’ai promis d’être sage; j’arriverai en mai en santé et vous aussi, je le souhaite!
Un énorme merci encore à tous ceux et celles qui m’ont accompagnée et aidée : Izna et Arielle, mes deux grandes filles, Jean-Pierre, mon entraîneur, les coachs du Club de Trail Le Coureur, Justin Perreault et Geneviève Tanguay, ostéopathes, Dominic Dubuc, mon apiculteur préféré, Chantale Belhumeur, naturopathe et magicienne ainsi que son conjoint Richard, Lise Bouchard, Bernice et François, Carmen, Alain, Veronic et son conjoint Luc, toute la gang du Relais, Sophie et Josée, Louise, Sylvie, Annie, Normand et Claudine, Anne Le Mat, Anne Roisin, Luc Hamel, Geneviève Monette et les joyeux lurons, Jean-Paul et Josée, Diane et j’en passe.
https://makeachamp.com/isabellebernier
Vous avez contribué à faire de cette année un moment mémorable! Comme on dit, en bon québécois, « câline qu’on est chanceux »!
Références:
1. Édith St-Amant: ( http://www.beautempsmauvaistemps.com/blog/2017/10/50k-edith )
2. Eric Côté: ( http://www.beautempsmauvaistemps.com/blog/2017/9/ultra-trail-du-bout-du-monde )
3. David Bombardier: ( https://unpasalafois.ca/2017/10/03/ma-trotte-legendaire-en-video/ )