Five Peaks Orford – tuque, collines et montagnes

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J’écris, ce soir, avec ma tuque Five Peaks sur la tête.  Il ne fait pas vraiment froid en ce moment, mais ça me fait un effet réconfortant.   Parce que, courir dans nos petites montagnes, c’est toujours une aventure.  Un voyage.

Dimanche matin, en arrivant sur le site de la course, enveloppée dans ma couverture, j’ai ressenti le trac associé au départ, imminent, qui allait être donné.  J’avais épinglé, sur ma veste d’hydratation, le cœur en feutre que ma fille (ma presque petite) m’avait fabriqué.  Parce que j’avais, ce matin-là, un peu peur de partir.  De laisser mes cocottes à la maison, pour une première fois, en pleine autonomie et entourées de trois autres enfants, dont un tout petit.

À cinq heures am, je mangeais ma chocolatine en écrivant des mots d’amour – des conseils, des consignes, des renseignements…et des numéros d’urgence, au cas où – à mes enfants.  J’avais rempli mon sac d’hydratation, rassemblé tout ce que je comptais apporter avec moi et j’avais pris soin d’aller contempler ma troupe de lutins, encore endormis.  La veille, j’avais temporairement adopté trois cocos (ça m’arrive, de temps en temps) et, miraculeusement, j’avais réussi à dormir.  Je crois avoir répété au moins quinze fois, ce soir-là, qu’il était impératif de se reposer avant d’entreprendre un défi.  Que cinquante kilomètres, ça demandait quand même un peu d’énergie.  Enfin, je ne sais pas trop comment on y est parvenus, mais tout le monde a éventuellement réussi à plonger dans les bras de morphée.  Et c’est ainsi que j’ai pu me réveiller, en sursaut, dimanche matin.

Je n’échangerais pas une minute de cette journée, même si, à mes yeux, c’était la journée des montagnes, au sens propre comme au sens figuré.  Nous avions effectivement quelques sommets à gravir, puis à descendre.  Des sommets qui se laissaient désirer, pavés de racines et de rochers qui ne pouvaient qu’attirer l’œil et l’attention.  Il fallait y être.  À chaque instant.  De bout en bout, la nature, le vent, les marcheurs et les autres fous illuminaient le paysage.  Highlight numéro un: un énorme oiseau brun à un mètre ou deux de ma tête, rasant le feuillage très généreux entre deux monticules rocheux.

Highlight numéro deux : les bénévoles.  Dans une course comme celle-là, on ne peut que les adorer. Les sourires, les encouragements, les surprises, les gouttes d’eau, les incroyables festins (le ravito de la 112 est désormais passé au stade légendaire, je l’affirme) et la patience de chacun d’entre eux ont une valeur titanesque (c’est plus gros qu’inestimable)!

Old school, oui.  Et tellement vibrant. Pour moi, c’est ça, le Trail ; c’est toi, moi, lui, elle, mes snicks/tes snicks, le bois, les bibittes,les variations de température et tout ce qui se passe entre les deux oreilles.  Avec le temps, avec la distance qui passent.  Je suis convaincue que c’est en grande partie pour ça qu’un regain d’énergie se fait sentir au fil d’arrivée :  IL SE PASSE QUELQUE CHOSE.  Je sais que tu le sais.  Mais imagine : tout ça se produit au même moment, de façon différente et pourtant aussi curieusement semblable, chez tous ceux et celles qui sont sur le terrain, pendant une course.  Parce que c’est une expérience.  Une aventure.  Un défi.  La matérialisation d’un objectif que tu t’étais fixé un jour où tu te sentais inspiré (ou délirant, c’est selon).

Que tu te sois senti éreinté, illuminé, émerveillé, chaviré, pocké, amusé, surpris ou dépassé (j’inclus le féminin dans ce propos), tu vas avoir partagé une partie de ce que t’es, c’est comme ça.  Que ce soit ton empreinte de pied dans la bouette, ta sueur, ta main d’applaudissement, ton rire ou le motton que tu avais dans la gorge, tu y auras participé.  Tes souvenirs pourront en témoigner.  Les ampoules sur tes pieds ou les égratignures sur tes jambes aussi.  Le Trail, c’est faire partie de la forêt, juste un peu.

Et c’est un peu pour ça qu’on finit toujours par recommencer : on en veut encore.

Malgré la peur, malgré le manque de sommeil, malgré les jugements, qui, peut-être, défilent dans nos têtes.  Parce que le cœur fini toujours par prendre le dessus.  Et, si t’es comme moi, eh bien, le cœur, c’est un gros morceau de nature : il a besoin d’air.  Il a besoin de mouvement.  Il a besoin de cette chaleur qu’on dégage quand on entreprend quelque chose qui nous interpelle profondément. Quelque chose de vrai.

Et quand on partage un brin de sentier avec d’autres, aussi fous que soi, quand on entre en collision avec cet instant qu’on s’était préparé à vivre, ça se fête.  Pendant des heures…et des heures, en fonction de nos capacités respectives.  Jusqu’au bout de ce qu’on peut donner, recevoir, offrir et pousser.  Ou peut-être pas.  On peut aussi choisir d’être entre les deux.  Quoi qu’il en soit, c’est quelque chose.  Et un moment donné, on s’arrête.  Parce que c’est le temps.

Rendu là, à chacun sa façon.  Bien humblement, je peux te dire que moi, en courant, j’ai pensé à manger un Mr Freeze pendant un bon trois heures.  J’avais hâte de croquer dedans – ce que j’ai fait, bien campée sur une chaise, avec ma nouvelle tuque.  J’avais hâte d’appeler mes enfants pour être certaine que la Terre tournait encore.  J’avais hâte d’entendre les autres, de ressentir un peu de ce qu’ils avaient vécu.  J’avais hâte, enfin, d’écrire, parce que j’avais peur.

J’avais peur de moi. Du jugement, au sens large.  J’avais peur de ma peur et de mon anxiété; j’te le dis, ça va loin!  Et, pourtant, plus le temps passe, plus on dirait que derrière la peur se cachent toujours de grands désirs.  Ou des désirs à faire grandir.  Du stock à faire réfléchir.  Parce que…

Parce que j’aime ça.  Pis, toi, qu’est-ce que t’en penses?  Ça va en prendre une autre course Five Peaks, hein?

Juste un peu, encore un peu!

Parce que.

 

Un gigantesque merci à tous ceux et celles qui nous ont permis de vivre cette expérience. À Luc Hamel, Anne Roisin, à tous les bénévoles, Bernice, Vanessa, Eric et Edith, Alex, Claude, Fanny, David, Noémie, Carmen et Alain, Geneviève,  Bianca, la gang du Club de trail Le Coureur, à Chantale pour m’avoir laissé m’asseoir sur sa chaise et à ceux et celles dont je ne connais pas encore le nom ou que j’oublie, momentanément.    

Merci à Laurianne, qui a probablement prié pour qu’il y ait moins de chenilles cette année.  Merci à tous les coureurs et coureuses: vous avez été extraordinaires et inspirants.

Un merci tout aussi spécial au petit troupeau d’enfants m’ayant permis de dormir avant la course et de partir avec le cœur sur ma veste (littéralement, comme en témoigne la photo).