Une fille qui court en ski

 

Une fille qui court en ski

Avant décembre, je n’avais pas enfilé une paire de skis de montagne (skis alpins) depuis presque vingt ans. J’ai fait du ski de fond, du patin, de la natation, de l’escalade, de la course et encore de la course, mais le reste m’avait échappé.  Concours de circonstances et défis en tous genres s’étant accumulés, le temps semble avoir filé bien vite.  Je me suis éventuellement rendue compte qu’on pouvait, chez nous, vraiment monter en skis.  Que le grand Plaisir était accessible ici aussi.  Ça me rappelle le moment où j’ai découvert l’approche diaper free, pour les bébés.  Une véritable révolution dans nos quotidiens.  Mais je passe, car il s’agit d’un tout autre sujet!  Je fais le lien avec ce souvenir, quand j’étais enfant, qui me rappelle que je trouvais bien étrange qu’on se laisse porter au sommet d’une montagne sans pouvoir la gravir soi-même, sur ses deux pieds.

Je te rassure: encore là, aucun rapport avec le diaper free: dans les années 80, on n’en parlait pas tellement, je crois…

Donc, lorsqu’on m’a proposé, en fin d’année, d’enfiler une paire de skimos – skis de randonnée alpine/ski mountaineering gear, mon coeur s’est mis à palpiter.  J’allais expérimenter une autre façon de découvrir l’ascension!  Et, en prime: la joie de redescendre, toujours sur mes deux pieds.  Enfin, presque.  J’avoue que les premières fois ont été peuplées de figures semblables à des acrostiches: angles parfois abrupts et culbutes bien involontaires.  Sauts improvisés, qui déstabilisent.  Pieds en pointe de tarte. Vague souvenir du positionnement et de l’aérodynamisme.  Probable honte de mon coach, enrolé malgré lui!  J’ai reconnu la sensation qui s’impose lorsqu’on a le sentiment, vraiment, pleinement et clairement, de n’avoir que peu ou pas de contrôle sur une situation et les variables environnantes.  Somme toute, j’aurais mis un bon mois et demi à me sentir plus à l’aise de dévaler les pentes autrement.

En fait, pour être honnête, certaines aspérités, certaines portions de la montagne de même que quelques plaques de glace m’effraient encore.  Surtout quand je les croise ou que je m’applique à les contourner, ce qui implique, bien entendu, que j’ai réussi à anticiper et à les voir, même dans l’obscurité.  Parce j’aime bien sortir quand le décor est calme.  Quand les télésièges sont aux arrêts et qu’on peut humer l’air, l’espace, au grand complet, presque dans le silence de la forêt, de la nature qui respire, elle aussi, sous le couvert de neige.  Parfois, on entend les engins qui aplanissent la neige, en prévision du lendemain.  On peut les reconnaître par la portée de leurs yeux lumineux, largement plus grands que celui de ma lampe frontale.  Il arrive que je les trouve bien bruyants.  Et je crois qu’il se peut que ces machines croisent les passants nocturnes ou très matinaux avec un soupçon de doute ou une crainte, peut-être, que nous entrions en collision.  Chers mécanisés, j’aimerais vous dire que vos yeux et vos antennes lumineuses m’impressionnent assez pour éviter de vous importuner.  J’ai un grand respect pour votre mécanique, tout comme j’en ai pour ces montagnes qui nous enveloppent, ici, comme ailleurs, jour après jour, après jour.

J’ai le plaisir de pouvoir profiter de ces espaces.  De skier, de monter avec mes skins, comme on dit, alors que tout s’endort autour.  J’en croise d’autres, des fous, qui font de même et qui semblent avancer avec autant de ferveur vers l’aube ou vers la nuit, pour monter un peu plus haut, pour redescendre, aussi, autrement.  Les jours, plus rares ces temps-ci, où je m’y aventure en crampons, pour courir les pentes, ça me fait tout drôle.  Redécouvrir l’hiver autrement est un cadeau qui me fait réaliser que nos pieds ont plusieurs talents et qu’on peut s’entraîner, se faire plaisir et se tenir en forme, en vie, de cette façon-là aussi.  J’aime encore le ski de fond, mais j’avoue que la randonnée alpine, version entraînement, me fascine.  Les intervalles prennent une autre allure.  Je sais bien qu’ils n’ont jamais d’allure confortable, ça va de soi, mais je découvre qu’ils peuvent s’avérer inconfortables et me faire rire en même temps.  Je ne me sens pas très efficace, mais j’aime l’idée de découvrir une façon différente de progresser.  Ce que certains appelleraient, sans doute, sortir de sa zone de confort.  Ou faire le petit chien (il faut l’essayer pour comprendre la sensation qui donne cette image).

Si le ski alpin, avec tout son attirail, fait partie de ton quotidien, il est possible que toutes ces images te semblent bien étranges.  Si tu as découvert le skimo et que tu le pratique aussi, en faisant de tes petits ou de tes grands skis l’outil de l’aventure enneigée, tu peux certainement visualiser, dans le corps comme dans l’intellect, l’immense plaisir dont je parle.  Je ne sais pas si je suis la seule à avoir des frissons, parfois, mais ça aussi, ça donne envie d’apprendre, de découvrir et d’y mettre du sien.  Jusqu’à la fonte des neiges.  Parce que c’est là que je retomberai pleinement dans mes chaussures, le jour comme la nuit.  En  attendant, j’apprécie la sensation de la montée, puis celle de la descente parce qu’elles me procurent, à l’aube, quelque chose de bien particulier.  Aux petites heures du matin, malgré le froid, ça fait sourire. Quand le jour s’endort et que la nuit prend la relève, même si l’effort physique peut se vivre dans l’intensité, il se passe quelque chose de paisible.  Le calme devient contagieux.

Il arrive, en rentrant à la maison, que j’aie le sentiment d’avoir été infidèle à mes espadrilles.  C’est curieux, parce que la natation et le patin ne me font pas cet effet.  Je me dis, au final, que c’est probablement le signe – et le clin d’oeil – que j’ai connecté avec une discipline qui me parle beaucoup.  Parce qu’on bouge.  Parce qu’on s’essouffle parfois.  Parce que c’est sauvage.  Parce qu’on vit le mouvement qui nous propulse, sur la montagne.

La montagne.

La montagne.  Encore.  Avec ses cheveux blancs en hiver, ses cheveux verts en été, ses cheveux orangés, puis rougeâtres à l’automne.

En skis, en crampons, en espadrilles, pieds nus, peut-être aussi

Avec ses défis

Avec sa grandeur

Et au creux de ses tracés, l’humilité de celui ou de celle qui s’y plonge.

Un gigantesque merci au Vélo Café Endurance Aventure pour  le soutien et l’équipement de pointe.

À tous et à toutes: il est toujours possible de louer un équipement et d’en faire l’essai – randonnée alpine – auprès de ce même Vélo Café (situé à Orford, sur le chemin du Parc, près de la sortie 118)!  Sorties accompagnées aussi offertes!

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