Toucher la terre – Touch Ground

Toucher la terre – Touch Ground

(English version below)

« Si la course est un art, le pas marque son rythme, et ses routes sont un poème.  Un précieux territoire de la pensée où jamais, les étoiles ne s’éteignent ». 

Mickaël Préti

 

Vendredi, soir de pleine lune.  Une pluie drue qui se répand, au pied comme en haut de la montagne. Ce soir, dans le stationnement, je suis seule.  Comme si la température, le moment et la lune, peut-être, m’avaient accordé accordé un silence.  Je savais que certains collègues planifiaient une descente – en zipfy – cependant, je ne vois personne à l’horizon. Sortie de printemps avec des airs d’hiver, un panorama tout en nuages, une sensation de pleine lune…cachée là-haut, quelque part.

Marcher, puis courir dans la neige, dans la glace, en montée et en descente, nourrit quelque chose de particulier: le désir de connecter autrement avec le temps. de savourer l’instant en même temps que celui de prendre d’assaut la pente, l’abrupte, en respirant un peu plus fort, juste pour voir à quel point on peut y accélérer.  Pas trop.  Juste assez.  Parce que c’est vendredi soir. Parce que c’est Vendredi Saint.  Calme. Tranquille.  Seule sur la montagne (enfin, c’est ce que je m’imagine), les yeux grands ouverts.

J’adore la neige et j’ai respiré avec l’hiver, comme s’il s’agissait d’une bénédiction, chaque jour.  Pourtant, au cours de la dernière semaine, j’ai soudainement eu envie que les surfaces soient vertes, qu’on me rappelle à mes shorts, que le soleil se fasse trop chaud sur mon visage.  J’ai eu envie de prier pour l’apparition d’un Mr Freeze, comme quand la sueur se fait aussi abondante que l’eau d’une piscine.  Et j’ai aussi eu l’idée de souhaiter que mes souliers ne soient pas recouverts de neige, mais de boue, de cette belle brassée de terre fraîche, mouillée de surcroît, qui recouvre nos pieds, parfois jusque dans nos chaussettes, dans ces moments de transition entre les saisons.  Appeler la chaleur pour courir autrement.  Changer le point d’attention, le focus.

À la tombée du jour, il fait tout de même un peu plus doux.  Cette pluie, que Pâques transporte avec elle, circule aussi.  Dans les pentes, elle crée des sillons qui s’ajoutent aux plaques de glace environnantes, mais aussi des passages où l’on commence à distinguer les grenailles, les cailloux, au sol. J’entends l’eau qui s’écoule des monticules rocheux, encore recouverts de glace, et je ralentis le rythme pour capter pleinement le bruit de ces morceaux de printemps, ce qui s’éveille discrètement, ici. Le bruit de mes crampons, compagnons du dénivelé en montagne, semble faire écho à ma respiration, régulière.  Au cours de ces quelques heures, à la montagne, je n’ouvrirai la bouche que pour saluer un lièvre, tout blanc, qui file sous un boisé.  La cadence, parfois très rapide, ne m’empêche pas de sourire parce qu’il y a, même dans ces sorties d’entraînement, quelque chose de spécial.  Comme si chaque moment portait son empreinte.  Comme s’il me rappelait qu’il était unique et que j’avais fait un choix éclairé…éventuellement par ma lampe frontale!

Sérieusement, oui. Après avoir songé à m’assoupir, j’ai décidé d’enfiler un imperméable au lieu d’un pyjama.  De filer au point montagneux le plus près.   Éclairée par un élan qui me dit que j’ai besoin de nature.  De sentir l’air frais, le sol.  D’observer ce qui se passe tout autour, dans ce paysage qui s’étend, lorsque le ciel est dégagé, sur une pléiade de montagnes que j’aimerais bien parcourir à pied, au pas de course, l’une à la suite de l’autre.  En ce vendredi soir, au sommet d’Orford, les nuages m’enveloppent et je n’ai pas le loisir de jeter un coup d’oeil au loin.  Je peux ressentir, par contre, la densité de l’espace.  La pluie tombe. Je l’apprécie.  Lors de ma première descente, le voile de nuages s’estompe lentement, tout près du pied des pentes.  Par curiosité, parce que j’en ai encore envie et parce que la température, alliée à la nuit qui s’amène ont tendance à brouiller les repères, je reprends l’ascension.  Celle-ci n’a rien de l’Everest, j’en conviens, mais ça fait du bien.  C’est un lieu accessible et on peut s’y perdre pendant des heures…pour mieux se retrouver.

Certains diront qu’il faut être un peu fou/folle pour sortir dehors, un vendredi soir aux airs gris-noir, alors qu’il pleut et qu’on n’y voit rien.  C’est possible.  Je crois qu’à l’entraînement comme en temps de loisirs ou de compétition, la folie peut être utile.  Par exemple, croiser un lièvre tout blanc, bondissant juste devant moi, le soir d’un Vendredi Saint, m’a donné l’impression de me trouver dans l’histoire d’Alice au Pays des merveilles.  Et le temps file.  Je n’ai pas vu de montre – de ce fait, j’avais oublié la mienne – alors je me suis dit que, tous les deux, on ne devait pas être bien pressés.  On peut aborder l’entraînement et l’activité physique, au sens large, de façon ultra logique, mais j’aime bien penser que ce sont des paradigmes qui permettent aussi d’alimenter l’imagination.  On en parle de toutes sortes de façons: d’espaces où l’on se sent dans l’instant présent, pleinement connecté(e) avec tout ce qui nous entoure; d’espaces méditatifs, où l’introspection, alliée à la respiration du moment, créent la paix; d’espaces dynamiques, où les secondes, les minutes, les heures s’écoulent comme un éclair; d’espaces, enfin, propices à coudre et à découdre ce qui a existé, ce qui existe et ce qui sera peut-être, un jour…parce qu’on aura bien voulu l’imaginer!  Qu’il s’agisse de la fibre d’autrice ou de la petite et de la grande Isabelle en moi, c’est inévitable: j’y retrouve toujours quelque chose de magique.  Ce sont des moments où je ne cherche pas à expliquer, mais simplement à ressentir ce qui est et à bouger en sa compagnie.

C’est peut-être aussi, ou essentiellement, ce que fait un athlète: bouger avec ce qui est.  Composer avec ses aptitudes, ses capacités, ses objectifs et les projets qui ont été dessinés.  Composer avec l’imprévu.  Avec l’inconnu, comme en algèbre.  La course en sentier est un monde particulier et j’ai pourtant l’impression que cela s’applique avec autant de valeur.  J’écrivais, récemment, qu’être  un coureur (une coureuse) en sentier était peut-être un peu comme être un cowboy de l’espace.  C’est un autre univers.  Les possibilités s’étendent, presque littéralement, à l’infini.  Et si on franchissait, un jour, des passerelles qui nous permettent de courir entre la Terre et les autres planètes?  À noter dans nos cahiers au cas où il s’agirait d’une pensée visionnaire, comme au temps où imaginer voir quelqu’un dans un téléphone semblait totalement surréaliste!  Enfin, vraiment, à tous ceux qui découvrent ce sport ou qui se sont déjà laissé emporté par sa vigueur et ses airs libertins, je lève mon chapeau (de cowboy): les soirées ou les matins en pyjamas, quelquefois troqués pour l’apparat du coureur, ont quelque chose d’unique parce qu’ils nous interpellent.  Peu importe la distance parcourue, le choix de trajet, la classification ou les rêves qui l’accompagnent, ces moments ont une valeur.  Parce qu’ils représentent, pour vous, pour moi, pour toi, une perle.  Un instant de la vie qui ne se produit qu’une fois.  Qui changera, dans une seconde.

Alors, cowboy de l’espace, quand tes muscles te feront souffrir, quand ta tête te dira qu’elle n’en peut plus, souviens-toi de ces jours de pluie, des choix que tu as fait et de la grandeur que tu as pu voir, ressentir et respirer, ici et là.  Ce sont eux qui te porteront jusqu’au fil d’arrivée.  Ils te rappelleront qui tu es et le temps que tu t’es accordé pour le célébrer, cette fois.  Parce qu’il y en aura d’autres: l’espace, c’est tellement grand…!

Joyeuses Pâques

Touch Ground 

If running is considered an art form, a pace sets as a rhythm, and its roads are a poem.  A precious thought territory where, in no case, stars would settle down to black ».

Mickaël Préti (Free translation)

Friday evening, Full Moon time out.  A consistent rain drops around, at the bottom and at the top of the mountain. Tonight, I am standing alone in the parking lot. As if temperature, the moment and the Moon had gifted me of silence.  I knew that some colleagues had planned a zipfy trip to go down, but I couldn’t see anyone around.  Spring time out with some Winter’s blips, a cloudy overview, a sensation of Full Moon…hidden somewhere, up in the sky.

Walk, then run in the snow, on icy plates, going uphill and downhill, can appear like peculiar, feeding a part of the self: a desire to connect with time in a different way, to enjoy, savor the moment as the will to speed up the hills, steepness, breathing a little bit – or way more – louder, just to see how we can make it to the top.  Not too much.  Just enough.  Because it’s Friday night.  Because it’s Good Friday.  Calm. Quiet.  Alone on the mountain (well, I suppose I am), eyes wide opened.

I love the snow and I took a special care, every day, to breathe with Winter Season as it would be a blessing.  I must admit, though, that at the end of this week, I suddenly felt the desire to find and see green soils,  to be called by my shorts, to feel a sun, way too warm, on my cheeks.  I felt like praying for a Mr Freeze to show up, as when sweat comes afloat like the amount of water in a pool.  And I also wished for shoes covered with mud instead of snow, like fresh soil, sometimes clay, pretty wet, going all over the snickers, dripping in and reaching our toes in those times where the Seasons are on shifts.  Calling warmth to run, somehow, in a different way.  Change focus and attention point.

As the day goes down, the weather gives a softer feel.  That rain, brought by Easter’s weekend, rows around too.  Ski spots and paths are sculpted with icy plates and little pathways, where rocks of all sizes seem to show up, waiting for the sun to glaze, appear here and there.  I can hear waterfalls dripping generously on rocky monticules, hidden behind last coats of ice, and I am slowing down to fully hear the noise, parts of the coming Spring, of what secretly wakes up in here. In parallel, the sounds emitted by the big spikes, fixed on my shoes, companions of mountain runs, seem to echo my breathe, going with the pace.  During these few hours, I would only speak up once, to greet a white ball, running and jumping hare, rapidly hiding in the woods.  The rhythm, sometimes pretty fast, doesn’t keep me from smiling because there is, even in those training spaces, something special going on.  As if every moment would have its own imprint.  As if it would remind me how unique it is and that I had made a clear, lighted choice…eventually powered by my head lamp!

Seriously, yes.  After I had considered making myself drowsy, I decided I would wear I raincoat instead of pajamas.  I made the choice to rush to the closest uphill spot around here.  Driven by a momentum speaking up for a glimpse of something alike mountain nature.  By a need to breathe fresh air, to feel the ground.  To observe what lives around the place, evolving in a landscape showing, when the sky is wide-to-see, a pleiad of mountains I would particularly enjoy discovering, one after the other, at a running pace.  On that Friday night, at the top of Orford, clouds are legion and I cannot see through.  But I can feel the space’s thickness.  The rain is pouring.  I appreciate it.  On my first downhill run, fog is slowly disappearing, practically all the way to the base.  By curiosity, because I feel for it and because temperature, coupled with night time are creating something like a loss of usual landmarks, once more, I am going up.  This uphill training has nothing like a walk to Everest, for sure, but it is quite nice to experiment it.  It’s an accessible spot and it’s possible to get lost, in there, for hours, as to better find/get back to ourselves, somehow.

Some people might say that someone has to be a little crazy to get outside, a Friday night sowing a gray-black sky, as it rains and as we can barely see afar.  Possible.  I believe that when training, when spending leisure time or when competing, craziness can be useful.  For example, encounter a wholly-white hare, jumping right before my eyes, on a Good Friday’s night, reminded my of the story of Alice in Wonderland.  And time goes by.  I didn’t see any watch – in fact, I also had forgotten mine – so I told myself that, as for me and the hare, nobody was in a hurry.  We can get in touch with training and any type of physical activity in a very logical way, but I kind of like to think that they create paradigmes that feeds imagination.  We can speak about it in all sorts of ways: spaces where we feel in the now, fully connected to all that surrounds us; meditative spaces, where insight, teamed with breath, are giving birth to peace; dynamic spaces where seconds, minutes, hours go by like lightning; spaces, finally, facilitating the sewing or unpicking of what was, what is and what might eventually be, one day…because we would dare to imagine it!  It might be caused my my author’s pencil, or by the little and the grown up Isabelle, but I keep seeing, in those moments, a king of magic.  They are showing up as moments where I’m not trying to explain, but only take time to feel and move with what’s lies in.

It might essentially touch to what an athlete does:  move with what is.  Deal with skills, capacities, goals and projects that were meant to grow.  Deal  with the unknown, as we do in algebra.  Trail running is a world in itself and it looks like this applies with all of its value.  Recently, I wrote that identifying oneself as a trail running might be like showing up as a space cowboy.  It is a whole other world.  Possibilities are extending to…infinite lines and borders.  Someday, we might go through gateways allowing us to tun between planet Earth and other ones, who knows?  To write down in our booklets in case it is a visionary thought, as at times where it had something surreal to imagine being able to see someone in a phone!  Well, seriously, to all those discovering this sport or that are already conquered by its strength and freedom vibes, I bow and shake my – cowgirl’s – hat: evenings and early pajamas mornings, sometimes exchanged for the runner’s gear, carry a unique something, because they are appealing to us.  No matter the distance, trajectory choice, classification and dreams coming along, those moments are valuable.  Because they picture, for you and me, a treasure. A moment, in a life, once happening. That will move to something else in a second.

So, space cowboy, when you’ll feel pain in your muscles, when your head will tell you that it can’t take it anymore, remind yourself those raining days, those choices you’ve made and the greatness you could feel, breathe, here and there.  They will get you right to the finish line.  They will remind you who you are and the time you gave yourself to celebrate, at that very moment.  Because there will be more occasions to do so: Space is so huge…!

Happy Easter

 

Source: inconnue

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