Photo, courtoisie, Anne Bouchard et Sylvain Rioux
Anne Bouchard et Sylvain Rioux font partie de ces personnes que l’on croise et dont on se souvient. La CCC, l’UTMB, le North Face Endurance Challenge, le QMT et la Gaspésia 100 font partie des courses qui les ont vu courir, gagner, supporter et former une équipe incomparable.
« Je me disais que pour la séduire, je devais la faire rire. Mais à chaque fois qu’elle riait, c’est moi qui tombait amoureux ».
Tommaso Maria Ferrari (1649, 1716)
Au bout du fil, Anne et Sylvain parlent en voix complices. Ils ont pris un moment, un vendredi soir, afin de discuter à propos de course et de couple. L’ouverture et la simplicité, dans la communication, sont désarmantes. D’entrée de jeu, Anne confie qu’il y a des zones qu’ils partagent et d’autres qu’ils ne partagent pas. Les routines semblent établies pour durer. C’est d’ailleurs ce qui se dégage de leur union. L’ultramarathonienne et le duathlète ont trouvé une recette qui résonne pour eux.
La course et son noyau
Près de treize ans après leur première rencontre, Anne et Sylvain, respectivement âgés de 45 et 46 ans, construisent encore en conciliant les entraînements, la vie de couple et la vie de famille. Leurs deux enfants font partie de cette équipe de choc. Ils apprennent en suivant leur propre voie, entourés de parents qui sortent de l’ordinaire et qui se permettent de vivre ce qui les passionne. Anne introduit le sujet en mentionnant : « Je n’étais pas une sportive du tout. Je n’avais jamais fait de sport d’endurance. C’est Sylvain l’athlète, le coureur en fait. C’est un duathlète, il a fait six championnats du monde et la course à pied, il connait ça. Moi, je suis un fille de montagne. Je viens du milieu de l’escalade. Et quand j’ai découvert le trail running, c’est devenu mon nouveau défi ».
La flamme de la course en sentier avait été allumée. Anne l’exprime de façon convaincue en mentionnant que pour Sylvain, le déclic n’avait pas été si soudain. Il le dit d’ailleurs en rapatriant ses souvenirs : « J’ai grandi en Abitibi. Mon père est un travailleur forestier. Il partait travailler en chantier et quand il revenait, il était super en forme. Il gardait sa forme en allant courir, comme il courait des 10 km quand il avait une ou deux semaines à la maison. Mon père, c’était mon idole, mon modèle. J’allais courir de temps en temps avec lui et c’est comme ça que j’ai accroché à ce sport-là ». Pour Sylvain, le parcours s’est tissé, de fil en aiguille, depuis l’école, avec ses olympiades, suivi de l’athlétisme, en passant par une ouverture vers la course sur route, laquelle lui a permis de gravir des marches et d’acquérir de l’expérience dans la discipline du duathlon (course et vélo). Le duathlon aura fait figure d’aventure s’échelonnant sur une dizaine d’années, période pendant laquelle Anne s’est éventuellement mise à la course en sentier.
Nouveaux défis, nouveaux chapitres
« Quand j’ai fini mon duathlon, je m’étais dit : je ne fais plus de compétition. Je me tiens en forme pour le reste de ma vie. C’est tout. Mais, très rapidement, j’ai vu qu’il y avait un espèce de gros vide. C’est Anne qui a ouvert le chemin du trail, puis je me suis aventuré. J’y ai vraiment pris plaisir ».
Alors que la discussion va bon train, Anne souligne que leur expérience de la course est distincte, même s’ils s’y retrouvent. Ils en parlent d’ailleurs chacun à leur tour et adressent leur vécu individuel antant que commun avec lucidité. Anne mentionne : « C’est pas une zone de grande entente, entre Sylvain et moi, la course. Tranquillement, on s’en vient sur un terrain d’entente parce qu’on a deux attitudes totalement opposées par rapport au sport. Sylvain est un gars performant. Moi, je suis une fille de bonheur ». Pas toujours facile de partager des moments d’entraînement, en course à pied, quand les optiques et les perceptions divergent!
Elle ajoute : « Depuis que j’ai un nouveau coach, j’ai cette zone de performance-là à aller toucher et c’est Sylvain qui m’amène dedans. On se rejoint. C’est limite encore et ce sont des entraînements isolés, mais on ne va pas faire quatre heures de course ensemble ». Sylvain s’entraîne en semaine, au coeur de Montréal, dans le secteur du Mont-Royal, en sillonnant les rues qui jalonnent son parcours. Il ne sort pas beaucoup en forêt, mais y arrive en participant à différentes courses. De son côté, Anne se concentre exclusivement sur les parcours d’entraînement en sentier..ou presque! Elle court pour se rendre au Mont-Royal, pour additionner les kilomètres et fréquente la montagne, à l’extérieur de la ville, le weekend. Travaillant en collaboration avec un nouveau coach, elle applique les modifications au plan d’entraînement, lesquelle implique de marteler un peu plus fréquemment le sol des rues de ville. Chose aisée, tant pour elle que pour Sylvain, comme la petite famille est logée au coeur de la Métropole.
Conciliation, le mot magique…non sans effort!
Qui dit famille, couple et entraînement soutenu dit conciliation. C’est là que se pointe la routine. Anne explique qu’elle s’entraîne deux fois par jour. Elle se lève à 04 :30, s’entraîne, revient à la maison et s’occupe des boites à lunch avant le départ pour l’école et le boulot. Son deuxième entraînement se fait à l’heure du midi. Sylvain, quant à lui, insère ses plages d’entraînement dans son horaire de travailleur autonome : « J’essaie de bloquer deux heures à tous les jours. Ça représente un défi et des sacrifices. Entre 8h et 17h, je concilie le travail, l’entraînement et tout ce que j’ai à faire personnellement ». Le mercredi est une journée de course partagée, comme Anne et Sylvain vont s’entraîner ensemble sur piste au Centre Claude Robillard. Ces moments ont un caractère bien spécial, comme l’explique Anne : « Sur la piste, Sylvain me sort de ma zone de confort. Ces moments-là sont devenus aussi un meeting familial. Pendant le vingt minutes de réchauffement, on jase de notre planning familial, de nos enfants, de nos défis. On se fait vraiment un conseil de famille. Cet entraînement-là est devenu presque essentiel dans la conciliation de tout ça. Ça nous permet d’enfin échanger sur nos réflexion, de faire avancer le bateau de la famille ». Tous deux s’accordent pour dire que ces moments sont d’une qualité exceptionnelle.
Un mode de vie
Courir, pour Anne et Sylvain, fait partie d’une hygiène de vie et d’une façon de l’appliquer qui modèlent le quotidien, mais aussi la vision de ce qui suivra. D’un défi qui devait marquer la fin du parcours en course (la CCC), Anne en est venue à cibler de nouveaux objectifs : « Maintenant, les défis, je les veux, je les garde et c’est essentiel. Dans ce mode de vie-là, je ne suis tellement pas rendue encore au bout des réflexions que ça m’apporte et des réflexions que ça me fait faire en tant qu’être humain ». La course est un vecteur d’énergie et alimente les journées. Sylvain, lui, se positionne comme « un athlète réserviste ». Il s’entraîne pour se sentir vraiment en forme et choisi ses défis en fonction des possibilités, des ouvertures relativement au plan qu’Anne aura dressé pour sa saison. Tous deux estiment que son rôle de soutien en est un qui est capital et cela fait partie de ce qui cimente l’équipe. Parce qu’Anne et Sylvain travaillent ensemble lors des courses auxquelles elle participe. Ici ou ailleurs, il lui prête main forte et l’assiste, que ce soit en personne ou de façon virtuelle. L’efficacité s’allie à la complicité. Ils en ont notamment fait l’expérience alors qu’Anne se joignait à un camp d’entraînement relevé, en Europe, l’été dernier. 2020 apporte son lot de nouveaux défis et de vacances aussi. En famille, ils prennent soin de distinguer les deux. Cet été, la Canadian Dead Race et la Sinister Seven feront partie des courses auxquelles Anne participera, entourée de ses enfants, précieusement aidée par Sylvain.
Enfin…
La force d’un couple repose entre autres sur ce qui se construit et ce , dès le tout début. À l’origine de leur rencontre, les mots suivant ont été partagés par Sylvain: « Belle, brillante, sensible, extravertie, rayonnante, authentique, aventurière, talentueuse…toutes ces qualités me sont apparues lorsque j’ai rencontré Anne dans un souper d’amis communs où elle racontait des histoires de vie quotidienne et où elle m’a fait tellement rire. La femme de mes rêves était apparue. C’était un ressenti très fort, inexplicable. Quelques années plus tard, nos chemins se sont recroisés et l’aventure a commencé. Premier rendez-vous…à courir au Mont-Royal. Le coq, à son apogée athlétique, se rend compte qu’Anne suit le rythme avec aisance pendant 50 minutes alors qu’elle n’est pas coureuse du tout! Treize ans plus tard, cette même fougue, profondément humaine, ne la lâche pas et j’adore »! De l’un à l’autre, la foulée s’est allongée. La confiance s’est installée, avec les défis, les projets. Et ils courent encore.
Un grand et doux merci à Anne, à Sylvain et aux enfants pour le partage et pour l’inspiration. Quatre plumes en mouvement qui en inspireront encore bien d’autres!