Les explorateurs de l’aube

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Photo: courtoisie

Les explorateurs de l’aube

Martine Marois et Danny Landry partagent la vie à la maison comme à la course. Ils ont instauré, à même leur quotidien, une routine qui donne à ce sport un élan et qui leur permet de grandir à travers l’expérience. La complicité qui les unit est palpable. Ils s’offrent un défi comme un plaisir dont on se délecte et dont on se souvient jour après jour en l’intégrant à notre réalité. Derrière eux: la découverte de la course en sentier. Au-devant: le Tor des Géants, à nouveau. Et entre les deux, un moment pour se préparer, mais aussi pour se poser.

Devant une montagne

Leur aventure commune s’est amorcée dans le virage d’un défi sportif encadré par Martine, alors coach chez Esprit de Corps. Tous deux parents monoparentaux, l’entraînement et la montagne ont dévoilé une opportunité qui s’est avérée cruciale dans la suite des événements. Préparation, ascension et covoiturage ont tissé la trame de ce qui allait se construire dans la plus grande ouverture. Le secret? C’est la faute de la Gaspésie. C’est aussi, je crois, l’élan qu’ils insufflent à chacune des expériences qu’ils entreprennent. Ils s’entraînent ensemble aux petites heures, pendant que nombre de gens dorment encore. Le plaisir et la découverte les guident. Ils ont soif de défis qui dépassent l’entendement. On pourra d’ailleurs les considérer, maintenant, comme des habitués du tracé du Tor des Géants, un événement qui en secoue plus d’un.

Au fil des courses

Danny exprime : « On courait déjà tous les deux. Avant qu’on ne se connaisse, je courais un peu. J’avais déjà fait des demi-marathons, des trucs comme ça. Je n’avais jamais fait plus long que ça, mais je courais à toutes les semaines, j’étais très actif. Martine faisait déjà ça, elle aussi, de son côté, alors je pense que lorsqu’on a commencé à être en couple, ça s’est installé tout seul parce qu’on partageait déjà cette passion-là et on l’a développée à deux ». Chacun avait développé une aisance à la course, mais l’élément déclencheur, selon Martine, a bel et bien été la course en sentier.

À l’époque, Martine agissait notamment en tant que coach auprès de groupes de coureurs. Ce qui était, à ce moment-là, la plus longue course en sentier au Québec, l’Ultra trail Harricanna, affichait l’ouverture de ses inscriptions. Ayant été mise au défi par un coureur, Martine s’est engagée à s’inscrire et Danny aussi, motivé par l’idée d’aller explorer ses limites. Le plan initial était de franchir la distance de 65 km. À la suite d’une invitation à intégrer, sans frais supplémentaires, les rangs des partants pour le 80 km, le plan prenait une tangente un peu différente. Dans la conception qu’en avait Danny, courir 65 ou 80 km, c’était du pareil au même. Martine avait plutôt en tête : « Non, mais, c’est parce que tu n’as jamais couru de marathon… ».

En vue de réaliser ce défi de taille pour lequel ils n’avaient aucun comparatif, ils ont pris le départ de l’Ultra trail du Mont Albert afin de compléter le trajet de 42 km. Expériences un et deux en poche, heureux, mais éprouvés, ils n’ont jamais cessé de se lancer des défis en course en sentier depuis. La première année aura été une année de découverte. Danny en dit aussi : « Après ça, on a comme juste augmenté et on a été de plus en plus audacieux, même si on savait qu’on aurait pu juste travailler à améliorer nos temps. On choisissait une distance supérieure et on se disait « On verra où ça va nous mener ».

L’année suivante, quelques abandons lors de longs parcours, en course, ont eu un impact intéressant. Plutôt que de se sentir décontenancés devant le choix de mettre un terme à une expérience en cours, ils ont surtout retenu le plaisir et la joie de pouvoir identifier les points forts tout comme les dimensions à parfaire en vue de retenter le coup, d’entreprendre de nouveaux défis.

Martine a grandi en jouant au basketball, puis en pratiquant la course sur route, principalement. Danny jouait au hockey et s’est tranquillement dirigé vers la course à pied. Ils se sont retrouvés là où les chemins n’existent pas, là où il importe de faire confiance à la nature : dans les sentiers, à flanc de montagne, en se rendant jusqu’aux sommets.

Être contagieux

La course en sentier, pour Martine et Danny, est synonyme d’aventure à vivre en équipe. Ils ont convenu de progresser ensemble, en respectant le rythme propre à chacun. En se retrouvant, inévitablement, quelque part. Martine évoque : « C’est moi qui propose, tout le temps, les plans de fou. C’est moi qui vais chercher la documentation et tout ça. Une fois qu’on est sur la montagne, c’est Danny la sécurité. C’est Danny la sagesse.  On fait une superbe équipe pour explorer ». Danny ajoute qu’il ne voit pas de limites. Il se plaît à trouver des défis qui peuvent sembler insurmontables. Il en dit d’ailleurs : « Parfois, les gens pourraient dire ‘’Ben voyons, c’est complètement malade! T’as pas fait tes classes encore.’’, mais j’ai besoin de me dire

C’est infaisable, ça n’a pas de bon sens? Ok, j’y vais ». Ils sont tous deux d’accord : « C’est l’expérience qu’on va chercher. On est des gens de processus…plus que de performance ». Ils aiment en profiter, parler, aller à la rencontre des gens et rire ensemble, même – et surtout – dans les moments qui s’avèrent exigeants. Le plaisir qu’ils en retirent prend tout son sens dans la satisfaction personnelle, l’accomplissement ressenti plutôt que dans un classement. Ils ont soif d’aventure et parmi celles qui ont capté leur attention, le Tor des Géants en est une. Cette épopée, ils l’ont vécue à plus d’une reprise (une et demie pour Martine, la première se terminant au 192e km, et deux pour Danny). Entre temps, Danny s’est également senti interpellé par le triathlon et a complété un Ironman, une expérience qu’il a adorée, mais la course demeure la piste favorite.

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Photo: courtoisie

Les défis à venir

Le temps n’a pas usé leur volonté. Au contraire, elle est encore forte. Forte de ces expériences, forte de ces moments uniques qui peuplent leurs saisons. Martine, Kinésiologue et kinésithérapeute de formation, prépare les plans. Organisation et inspiration sont au rendez-vous afin de construire ce qui les mènera sur le parcours, jusqu’à la ligne d’arrivée, si tout va comme prévu. Ils se connaissent. Ils savent de quoi ils ont besoin. À ce propos, il y a quelques années, Martine a été diagnostiquée coéliaque. C’est un des facteurs qui auront véritablement remodelé l’entraînement ainsi que la préparation, comme la gestion de l’alimentation – un élément d’ores et déjà crucial – lors d’un événement.  Ils se préparent en courant à la frontale, aux petites heures du matin, ou encore au retour du travail. Pendant la semaine, Martine court davantage alors que Danny s’entraîne à vélo. Les weekends se construisent autour de sorties dans les Montagnes Blanches, un vaste terrain de jeu et d’entraînement.

Encore cette année, le Québec Méga Trail risque d’être à l’horaire avant l’objectif Tor des Géants. « Ma vision en lien avec cette course commence vraiment à se placer. Je sais quel est l’effort que j’ai mis et ce que j’ai à mettre de plus pour améliorer mon temps. Je suis déjà entrain de faire ce travail psychologique de préparation mentale ». Danny ajoute : « Il y a deux choses qui vont aider à ton succès : tu as l’expérience du terrain et tu as aussi une équipe de soutien ». Car, lors de cette édition, Danny agira en tant qu’équipe pour venir en aide à Martine. De son côté, il envisage compléter un défi différent, où elle l’accompagnerait, à son tour. On sent que la ligne directrice est claire et que l’énergie investie est entière. Aucune ambiguïté. Et même si le doute se levait, il irait probablement boire une tisane en attendant le prochain train. L’inspiration se lève, je crois, et elle irradie de la détermination qu’on peut ressentir dans la communication partagée par cette équipe. La complémentarité offre une latitude qui semble permettre à chacun de rayonner, d’y trouver son compte et de terminer, ici ou ailleurs, tout près de l’autre.

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Photo: courtoisie

Entre la route et la montagne

De Montréal à la Gaspésie, les années ont passé. Ils se sont rencontrés une première fois, un projet de montagne en tête et ils ont eu, je crois, cette opportunité de faire grandir un rendez-vous qui se renouvelle avec la grandeur de l’expérience, du partage qu’ils en font, des apprentissages qu’ils en retirent. Martine continue de proposer des « plans fous » et Danny s’y investi avec coeur, y trouvant sa douce vêtue d’une grande force, mais aussi en traçant son chemin avec cette passion qu’est la course en sentier. Dans la lignée, des projets tels que le Tor des Glaciers sont dans l’air. Mais d’abord, place au moment. En souhaitant vivement que l’été soit synonyme d’ouverture, d’instants qui se multiplient, conduisant aux montagnes d’aujourd’hui et de demain, plein soleil.

Sur une crête étroite

« On peut découvrir en soi, et autour de soi, les moyens qui permettent de revenir à la vie et d’aller de l’avant tout en gardant la mémoire de sa blessure. Les chemins de vie se situent sur une crête étroite, entre toutes les formes de vulnérabilité. Être invulnérable voudrait dire impossible à blesser. La seule protection consiste à éviter les chocs qui détruisent autant qu’à éviter de trop s’en protéger ».

Boris Cyrulnik

De chair et d’âme (2006)

 

Les passants baissent les yeux, le visage figé, les lèvres neutres. J’ai croisé, en pleine forêt, une ou deux grandes familles et des amis bien distancés. Nous ne sommes pas à proximité de la ville, mais la tension se fait sentir. L’air, pourtant vivifiant, ne semble toucher les peaux qu’avec un peu de recul, alors que le temps passe.

On respire parce que les minutes sont précieuses. Parce qu’on a un moment et une santé pour faire un tour, entre deux soubresauts de travail ou de connexion internet. Je pense à tous ces gens qui ont vécu une grande partie de leur vie (peut-être leur vie entière) dans l’isolement, la solitude, la souffrance, la maladie, avec le stress, l’anxiété et/ou dans la peur. Il y en a pour qui cette réalité n’a rien de nouveau quant aux sensations qu’elle éveille. Quant à ce qu’elle soulève. Pour certains, c’est un choc. Comme un marteau qui s’affaisse alors qu’on ne l’avait pas prévu. Comme un arbre qui s’effrite quand on le croyait presque immortel. Le mouvement de masse amplifie la situation, pour le meilleur et pour le pire…

En période d’incertitude, on se demande comment concevoir le fait de résider dans ce genre de situation de façon indéterminée. Comment y entrer et en ressortir? On peut toujours s’évader, ne serait-ce que par la pensée, avec la force de l’esprit (ce qu’on appelle « le mental »). En profiter, surtout, pour cultiver la paix. Pour soi. En soi. Peut-être éveiller l’équilibre alors qu’il peut sembler, à prime abord, brisé. Il existe des peuplades de réflexions qui effleurent, qui visitent, qui transpercent.

On s’observe, à distance.

On nidifie.

On cultive l’espérance.

Et, dans la foulée, on commence à parler de solidarité.

Ici, maintenant, dans quelques mois, dans quelques années aussi, je l’espère. Parce qu’on a tous besoin de ces regards remplis d’ouverture, de franchise et de volonté d’aider l’autre, de contribuer, de grandir.

Entre les deux, je me suis fait la promesse, au gré de mes allers-retours au travail et des bourrées d’oxygénation au grand air, de continuer à sourire à ceux et à celles dont le regard croisera le mien. Enfin, s’il advenait que la routine me confine au hameau familial, je ferai de mon mieux pour faire naviguer les sourires sur les fils invisibles. Pour moi, pour nous. Histoire qu’on se voit un peu, en vrai ou en ondes.

Inner peace

#solidarité

#lacliniqueducoureur

#healthyrebeltribe