Renée Hamel – En sentinelle

En sentinelle

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Photo: courtoisie

Posée, présente et passionnée. C’est ce qui se ressent dans le ton de sa voix, dans les images captées lors de ses périples à la course comme à la marche. Renée Hamel évolue dans l’univers du trail depuis plusieurs années déjà. Revenue précipitamment d’un périple au Chili et en Argentine, elle se raconte et raconte cette nature grandiose offrant, à ceux qui la visitent, le cadeau de l’expérience. L’émerveillement. Comme si le temps comportait, après tout, un caractère un peu relatif.

La Patagonie en  sabbatique

Alors que 2020 a pris sa lancée, Renée s’est affairée à ouvrir, à nouveau, une porte sur le Monde. Factrice chez Poste Canada, elle s’est octroyé un congé sabbatique, histoire de transposer la marche en ville en une aventure bien particulière. En mode course, elle s’est plongée au coeur d’espaces ayant attiré son attention au préalable ou encore une fois sur les lieux. Les tracés possibles en vue de réaliser des périples journaliers se sont présentés au fil des rencontres, des conversations, des découvertes. Dans un lieu où tout semble nouveau, les cartes ont été mises sur la table, littéralement, pour tracer les itinéraires.

À la fin de l’année 2019, j’ai eu l’opportunité de discuter avec Renée de ses plans. Elle envisageait parcourir plusieurs régions et s’inspirer de ce qui se faisait pour se donner de nouveaux défis, pour explorer, en solo, l’idée première étant de se donner l’opportunité de se consacrer à la passion qu’elle entretien pour la course à pied dans un cadre différent, en sortant de la routine, en se retrouvant face à elle-même et donc, à ses propres limites. Elle a ainsi fait le choix de débarquer en ville – vol intérieur direct de Punta Arenas, au Chili, pour se diriger vers une campagne assez lointaine : le parc Torres Del Paine. C’est un endroit connu, où l’on peut naviguer, dans les sentiers, sur un trajet d’environ 120 km. On ne peut pas, à l’heure actuelle, franchir cette distance sans réserver plusieurs nuits en hébergement. La réglementation en place exige la preuve des réservations, lesquelles sont normalement vérifiées par chacune des stations de garde sur le terrain en vue de réaliser ce parcours sur une période de huit jours. L’idée de Renée était de compléter le trajet, si possible, en une seule sortie. Elle transportait l’essentiel à même son sac de course. « Tout le long du parcours, c’était magnifique! Ce que j’aimais le plus, c’était d’être toute seule. Je suis arrivée à un glacier et puis j’étais toute seule à le regarder. Apprivoiser la nuit, aussi. J’ai souvent peur de me perdre et là, c’était presque impossible. Mon état d’esprit était vraiment stable. Je n’avais pas peur. Il y avait peut-être des pumas à un endroit, mais comme j’y suis passée de jour, ça allait ».

Établir un record de parcours…avec surprise!

Son deuxième projet a pris son envol à El Chalten, un petit village en Argentine. On peut y parcourir des sentiers à partir de son épicentre. Ayant complété toutes les randonnées d’une journée, elle s’est tournée vers un trajet qui se complète habituellement en un laps de temps plus long. Renée y a vu une ouverture, mais elle ne se sentait pas à l’aise de franchir les rivières et le trajet, moins bien balisé, sans accompagnement. Le campement étant souvent l’occasion de discuter, de rencontrer d’autres aventuriers, l’opportunité s’est présentée : un norvégien, Hans Kristian Smedsrod, expressément venu d’Europe pour réaliser plusieurs tracés au pays, envisageait compléter le trajet du Huemul (70 km) afin de battre le record de parcours précédemment établit. Il y avait fait une reconnaissance, était bien équipé et recherchait une personne pouvait compléter le parcours avec lui, histoire d’assurer une certaine sécurité pour l’un comme pour l’autre.

Au final, ils y auront mis quatorze heures trois minutes, établissant un nouveau record de parcours. « Ça a été magique, vraiment incroyable. À El Chalten, il y a beaucoup moins de monde et beaucoup de possibilités de sentiers, tandis qu’à Torres Del Paine, il n’y a qu’un tracé accessible. C’est peut-être un peu moins majestueux, donc, que Torres Del Paine, mais vraiment beau et tellement magique, avec un dénivelé avoisinant les 3000 m. J’étais contente de le faire avec quelqu’un, parce que je ne voulais pas me perdre et tu sais, la tyrolienne, avec un harnais, je n’avais encore jamais fait ça. J’aurais pu le faire toute seule, mais le courant de l’eau, s’encorder, c’était immense ».

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Photo: courtoisie

Traverser la frontière

Deux jours plus tard, Renée a enfilé son gros sac à dos pour traverser la frontière de l’Argentine au Chili à pied, soit en passant par la Careterra Austral, au Chili. Le temps estimé était de onze heures pour une distance de 36 km. Elle en a mis sept et demie, parcourant de trajet en une journée. Arrivée de l’autre côté de la frontière, elle s’est arrêtée et a déposé sa tente pendant deux jours, s’offrant un jeûne de 48 heures au passage. Elle n’avait pas prévu cette expérience au préalable, quelques surprises s’étant pointées à l’horizon, mais elle en a tiré profit et en a aussi relevé quelques apprentissages : « C’était pas tellement une bonne idée de faire un jeûne après sept heures de marche (36 km) et un soixante-dix km en montagne. J’ai vu que je me sentais fatiguée. Je sentais que je n’avais pas d’énergie. Mais je trouve ça intéressant parce que ça n’était pas dangereux, ça n’a pas mal viré et puis ce sont des expériences. Un voyage, c’est toutes sortes d’expériences. J’apprécie de voir comment je vis celles-ci, la façon dont je vais y faire face, comment je vais y réagir. Ce qui est bien quand on voyage tout seul, c’est que l’attention est portée sur soi, sur ce qui se passe vraiment. On est vraiment connecté au moment présent ».

Une semaine plus tard, ayant discuté avec plusieurs voyageurs, elle est parvenue à se rendre sur les lieux d’un nouveau parc afin de compléter un dernier parcours, soit un circuit d’environ 55km, localisé à Cerro Castillo. Il n’y avait pas beaucoup de latitude concernant la fenêtre météo et les accès pour réaliser le trajet dont on lui avait parlé. Le délai, relativement court, entre ses deux projets, la barrière de la langue et une petite fatigue ne l’ont pas empêchée de plonger dans l’aventure. Ayant été accueillie « au milieu de nulle part » – lire : une hutte en plein désert, elle s’est élancée sur un tracé qui s’est avéré, finalement, assez bien balisé. L’idée était de parcourir le sentier en s’y collant, le plus possible, tout en réussissant à voir les lagons, au nombre de trois, dont on lui avait parlé. La journée avancée, après s’être un peu perdue, le dernier d’entre eux lui a offert sa vue. C’était la dernière journée dont elle disposait, le dernier défi. Elle y aura mis onze heures, quelques détours et un grand sourire. « J’ai aimé l’inconnu, vivre avec peu, réaliser que nous n’avons pas besoin de grand chose, que c’est simple. Me rappeler, aussi, que je pouvais prendre soin de moi, bien me traiter, me laisser aller, m’écouter ».

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Photo: courtoisie

À chacun ses défis

Au final, elle en retient qu’il est important que chacun respecte ses défis. Qu’on ne peut pas toujours se comparer. Que lorsqu’on entreprend quelque chose, la dimension de plaisir occupe une place importante. « Comme je dis aux gens que j’entraîne, je ramène toujours ça à « est-ce que j’ai du plaisir quand je cours? » Que je fasse cinq ou dix kilomètres en une heure, c’est une question qui se pose. Je cours à une vitesse où je me sens bien. Je fais quelque chose qui me parle. C’est, encore et surtout, de respecter que chacun établit son objectif et que c’est correct. Qu’il n’y en n’a pas un qui soit meilleur que l’autre ». La variété des expériences, que l’on parle de course ou d’autre chose, demeure impressionnante et inspirante, bien entendu, mais son essence se loge dans la façon dont elles résonnent pour chacun et chacune d’entre nous.

Le retour aura été marqué par le choc et le décalage quant aux réactions des gens, à ce qui se dépeignait sur les visages, au passage, à l’aéroport. Des airs désespérés, des yeux à peine exposés alors que le reste est emmitouflé, une chasse aux billets d’avion pour rentrer. Par la présence, virtuelle, aidante et aimante, de son amoureux, lequel était prêt à tout pour qu’elle puisse revenir au pays.  À Québec, les rues étant vides et la quarantaine nécessaire, le temps s’écoule jusqu’au retour au travail et il laisse doucement émerger les pensées, les idées. Le voyage semble déjà loin. Mais il reviendra. Toujours.

Avec le plaisir

Avec l’imprévu

Avec les défis

 

 

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