« Pour Kim Thùy, le bonheur et le plaisir passent aussi par la liberté : « C’est la comprendre, l’assumer et savoir quoi en faire. Il m’a fallu beaucoup de temps pour y arriver, explique-t-elle humblement. C’est à l’âge de 50 ans que j’ai saisi la liberté du bonheur et toute la légèreté que cet état nous procure. La liberté donne le bonheur et le bonheur donne la liberté. C’est comme si la liberté se traduisait par la confiance de se dire qu’on peut se laisser aller, qu’on peut laisser la vague nous transporter ». »
Le Devoir

Ce matin, chez moi, le thermomètre indique onze sous zéro. Je l’observe, par la fenêtre, le dos accolé à cette chaise qui se prélasse tout près du feu de foyer. La neige habille le sol et j’ai bien l’impression, cette fois-ci, qu’elle s’assurera de le garder recouvert. Qu’elle invitera, à court terme, son manteau, puis son univers blanc, à cohabiter avec nous pendant quelques mois. Sa beauté et sa simplicité demeurent. Sa complexité aussi, compte tenu de ce qu’elle appelle en adaptation, en préparation, en garantie d’isolation. Au Québec, nous sommes culturellement préparés. C’est une réalité à laquelle nous faisons face depuis toujours. Et pourtant…
Se dire, laisser la vague nous transporter. Être, avec toutes ses déclinaisons, celui ou celle qui se permet de piétiner au sol, d’étendre les bras au ciel et d’avancer en transparence. En authenticité. Souligner le temps comme s’il se pouvait qu’il n’existe plus pour en faire un souvenir heureux. Prendre un instant pour remercier. Faire de ce qui nous émeut, de ce qui nous touche, une direction. Trouver un projet inspirant et plonger à grands renforts de créativité afin de lui permettre de s’épanouir avec soi, avec nous. Tant et tant de gestes, de postures, d’actions voués à souligner l’importance des petits comme des grands moments.
Depuis quelques semaines, j’explore les possibilités d’exil, à la recherche des vagues, des palmiers, de la chaleur. D’un souffle qui m’apparait plus doux. Paradoxalement, lovée sur ma chaise, auprès du feu, je constate que la chaleur peut se faire présente chez nous aussi. Que la douceur s’exprime à travers les choix qui sont les miens. Que mes valeurs, au même titre que nos routines de cette année, font les montagnes russes, simulant l’épreuve. Lorsque les temps sont particuliers, lorsque la vie bouscule, les remises en question sont susceptibles de s’entrechoquer, elles aussi. Le corps parle. L’esprit parle. Les émotions imitent la neige. Il devient difficile de passer outre. Comme si faire fi de ce qui se trame, au-dedans, éloignait.
S’éloigner, en temps réel ou dans l’espace virtuel, peut s’avérer précieux. S’éloigner, mais pas s’éteindre. Parce qu’on ne peut éteindre la neige. Parce qu’elle fait partie de nos moeurs, dans une certaine mesure. Elle nous rappelle à ce qui compte, à ce qui importe. Le bonheur qui habille la liberté. La liberté qui est garante du bonheur. Je le ressens lorsque je m’immerge dans l’univers de l’écriture, lorsque je deviens un avec la nature, lorsque je cours et que j’explore mes capacités, que je découvre la force de nos montagnes, de nos forêts, de nos lacs et de nos océans. Lorsque je vois grandir mes enfants, que les sourires se dessinent, dans l’ouverture, là où j’entends des éclats de rire.
Lorsque je me laisse inspirer et que je permets à la petite voix de mon intuition de prendre sa place. Lorsque je rêve d’aventure et d’expéditions, de petits gestes qui pourront, peut-être, contribuer à changer le monde, nous portant à nous sentir de moins en moins isolés. Des gestes qui deviennent légion, pour lesquels on se tend la main dans une ronde dépassant les frontières, les limites de nos raisonnements. Des gestes résonnants.
Courir et écrire la terre, dans un bouquet de neige ou à l’ombre d’un palmier, en faisant fi du temps.
Écrire et courir la terre pour faire une différence, pour que se tissent des liens propices à transformer le cours des choses, à mettre sur pied des projets, des actions voués à apporter, à construire, à améliorer.
Histoire de franchir la ligne d’arrivée autrement, avec la conscience qu’il y a tant à être et à faire. Que le pont se fait en permettant au bonheur, à la liberté, de prendre place. D’exister, en soi.
Et je rêve de cet instant où nous saurons que nous sommes légion ayant au coeur ce bonheur, cette liberté. Pour que le monde change, encore. Un pas à la fois
Et je rêve de cet instant où je traverserai la ligne de mes cent ans. J’aurai le sourire aux lèvres, en portant le bonheur, le souhait d’avoir fait une différence. En continuant de caresser l’espoir pour les prochaines générations. Pour qu’elles aient ce même bonheur au coeur, dans la confiance que le monde puisse grandir avec elles, toujours meilleurs. Pour la faune, pour la flore, pour l’environnement et pour l’Humanité.
