
« Comme la nouvelle année approche et que nos esprits se tournent, inévitablement, vers les résolutions, je me souviens que la plupart d’entre nous surestimons ce que nous pouvons accomplir au cours d’une année. De même, nous sous-estimons ce qu’il nous est possible de réaliser dans le cadre d’une dizaine de ces années. En d’autres mots, play the long game ».
Rich Roll
Je me souviens des cendriers et de la cafetière, toujours pleins. Des silences. Des éclats de voix aussi, ceux qui marquaient les moments de débordement. De la personne qui nous gardait, moi, mon frère et ma soeur, d’un peu trop près. De la voiture, au garage, à l’intérieur de laquelle ma mère tentait de se perdre, plongée dans les vapeurs toxiques.
Je me souviens de détails que j’aurais souvent préféré oublier. Certains m’ont échappé, probablement accrochés au baluchon de mes deux ou trois premières années d’existence…
Avec le temps, la conscience de la fragilité de nos vies m’a heurtée. Je ne m’en faisais pas trop pour la mienne, mais pour celle de mes proches. Voir ma mère, puis mon père tomber. Choisir l’anorexie comme porte de sortie, alors que je n’arrivais pas réellement à exprimer. Faire de l’hypertension et de la colite ulcéreuse des ultimatums en regard d’un besoin de transformation. Entendre, au téléphone, que mon frère, puis ma soeur avaient tiré sur le fil de leur vie pour le débrancher. Lire que deux de mes oncles, parmi quelques autres, avaient fait ce même choix. Chercher le sens là où il ne semblait en demeurer aucun…
Les images du passé ont toujours une teinte particulière. Cette teinte, on la façonne, avec le temps, avec les impressions qu’il en reste, les réparations, les guérisons.
J’ai appris à peindre, à dessiner ces images. À les écrire, en secret, puis en partage. J’apprends encore à en parler lorsque c’est pertinent. Je ne l’apprécie pas nécessairement, mais la promesse de moments légers, de fous rire et d’instants pleinement savourés me permet de croire que c’est une bonne chose.
Toucher la santé. Pardonner. Aimer.
L’année 2020 s’est présentée avec ce cadeau qu’est l’appel au changement. Elle a soufflé sur les bougies de l’introspection. Elle a offert un regard perturbant, mais également propice à grandir. Je n’avais pas anticipé que la santé me filerait entre les doigts. Que la sensation de perte prendrait le dessus. Que je laisserais la fatigue me convaincre que j’en avais assez de lutter. Parallèlement, aujourd’hui, je ne crains plus la mort, mais il m’arrive de craindre la vie, ce que nous choisissons d’en faire. Il me semble y avoir tellement à cultiver, aider, changer, contribuer pour que puisse fleurir, plus amplement, notre humanité.
Je n’ai plus envie de lutter; j’ai envie d’accueillir. En nourrissant la volonté d’aider mes enfants, comme mon prochain, à franchir l’inusité. En nourrissant l’espoir de reprendre le dessus, de corps, d’âme et d’esprit. Pleine. Prête à avancer. En refermant le livre du passé.
À l’aube de cette année 2021, celle que d’aucuns attendent impatiemment, je me penche sur le dixième manuscrit que je viens de compléter. Mon onzième livre. Je n’ai aucune certitude quant à « son chemin de vie », mais je sais qu’il représente un passage. Un collègue coureur écrivait récemment : « C’est l’espoir qui nous garde en vie ». J’y ajouterais la foi; celle que chacun peut illustrer comme étant la sienne, qu’on parle de l’Univers, de nos grandes approches philosophiques, religions ou idéologies quelles qu’elles soient. Du rêve aussi.
L’espoir, la foi et le rêve.
En faire des histoires à raconter. Des livres à partager. Des aventures à vivre, au-dedans comme au-dehors. Trouver la direction qui leur permet de se muer en projets, en objectifs, en plans, en visions. Aider son prochain. Et suivre les tracés pour retrouver la piste de la douceur, du rire, de la bonté. De ce qui, peut-être, s’habille en bonheur, comme si la terre goûtait le ciel.
Comme si le temps n’existait plus que dans les espaces où l’on contemple celui ou celle que l’on est devenu, entouré(e) de tous ceux que l’on croise et qui nous permettent, jour après jour, de devenir une meilleure personne, un être empreint de bonté, de chaleur.
Play the long game – Parce qu’autrefois, je n’avais aucune idée de ce qu’il me faudrait parcourir et franchir pour en arriver à aujourd’hui.
Play the long game – Parce que c’est encore un pas à la fois qu’on peut y arriver.
Play the long game – Parce que je choisis de croire que ces mêmes pas sont voués à créer une oeuvre : le tableau des passages que nous aurons empruntés.
Play the long game – Et vous?
En vous souhaitant une douce transition vers 2021,
Isabelle
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