Lettre à Émilie (Semaine de la prévention du suicide)

f.lumina.3Crédit photo: Jean Rochette

Il y a quatre mois, Émilie, nous t’avons perdue.  Comme tellement d’autres, comme notre frère.

Je ne reprendrai pas les statistiques.  Le fait que tu n’aies pas été la seule, que d’autres vivent ce que tu as vécu, qu’ils aient opté pour le chemin que tu as choisi d’emprunter me rappelle que la vie est fragile. Qu’elle ne nous appartient pas.  On en profite, souvent relativement, souvent temporairement.  Le temps de quelques décennies.

Déjà, tu es partie, tu es « au-delà« , ayant franchi la ligne qui nous sépare d’un autre monde.

Je ne suis pas certaine d’avoir trouvé, à ce jour,  des mots pertinents  pour t’exprimer ce que je ressens, ce qui se passe ici, combien tu me manques et nous manque. Les souvenirs de toutes sortes refont parfois surface.   Les absences aussi.  Beauté et difficultés s’entremêlent, comme les joies et les peines que nous avons et n’avons pas partagées.  Je sais que, pour la grande majorité des gens, une disparition implique le deuil et que celui-ci, tout comme ceux qui l’accueille, a besoin de prendre son temps.  Qu’il nous apprivoise et qu’on s’y familiarise.  Peu à peu.

D’ici, je ne peux m’empêcher de penser à cette forme de culture de l’oubli, du don de soi…et du silence. On ne pouvait pas en parler.  Il ne fallait pas aller trop loin.  Il valait mieux tenter de mettre de côté, d’oublier.  De sélectionner ce qu’on pourrait garder des traumatismes, petits et grands, que porte souvent la vie sur Terre.  Il fallait.  Il fallait.  Aussi parfaitement que possible.

La Force devait gagner.

Et pourtant…

Peut-être marches-tu main dans la main avec Jean-François et avec Ben, entre deux mondes, dans la lumière de dimensions que nous ne visiterons pas maintenant. Pas encore.

Peut-être, comme certains le croient, es-tu simplement disparue, dispersée, répandue.

Peut-être reviendras-tu un jour, autrement.

Ainsi va la vie.

Je sais qu’une grande partie de toi souhaitait y rester, en profiter encore, de ce quotidien rempli de défis.  Que l’amour était quelque part, au rendez-vous.  Le train aussi.  Finalement, une autre partie en a décidé autrement.  Tout et tous ont été ébranlés.

Merci, Émilie.

Merci pour ton passage, pour le partage de parcelles de ton existence avec chacun d’entre nous.

Je t’aime, petite soeur.