La performance est une poupée russe

En parcourant le fil des nouvelles sportives, je me suis arrêtée sur l’incroyable spectacle livré dans le cadre de la Western State Endurance Run. On en parlera certainement très longtemps, puisque d’immenses performances marqueront à jamais cette 50e édition de la course, en particulier chez les femmes. Il y avait Courtney, l’ami Mathieu, Hellah, le papa de Lucy Bartholomew, entre autres personnages inspirants, tous et toutes définitivement caractérisés, entres autres choses, par une force particulière. Et puis, comme l’a mentionné Mathieu au cours de ses partages, il y a la performance. J’y réfléchissais justement depuis un moment; c’est une notion qui nous englobe en macro comme en micro. La performance est partout, dans tout. Au travail, à l’école, dans nos pratiques, avec les collègues, en famille, en couple, avec les amis, avec soi-même. Et si on jouait même au jeu de la performance sans s’en rendre compte?

Dans cet ordre d’idées, une question me revient ponctuellement en tête: lorsque je ne suis pas en mode performance, où suis-je? Nos systèmes et nos réalités se basent sur nos indices de performance. On veut faire mieux, faire plus, être plus compétitifs, etc. Et c’est probablement ainsi qu’on en arrive à évoluer collectivement, individuellement, socialement (ou on s’en convainc). Pour une majorité, la réussite se mesure en fonction de la performance. J’ai pourtant souvent la sensation qu’il peut être tellement facile de s’y perdre. D’oublier le sens, l’essence, la richesse de ce qui se trouve en profondeur. Grind, qu’on dit, grind and perform. L’adversité rend plus fort. Et si la difficulté, l’adversité permettaient de mettre au monde un sens et une profondeur auxquels nous n’aurions pas accès autrement? L’adversité conduit à la performance; la performance peut conduire à l’adversité. Comme une ronde qui n’en finit plus de tourner avec ceux et celles qui la composent.

Dans la pénombre de la fin de journée, le chien de la maison s’est assoupi, à ma grande surprise, avec un bouquin tantôt au coin de sa gueule, tantôt tout juste allongé près de ses yeux fermés.

…Et une première réponse, aux airs de clarté, vient se déposer alors que je m’émerveille devant Zuko – le chien magique, prenant quelques photos de sa dernière chasse/acquisition (le livre de Mathieu Ricard – Plaidoyer pour le bonheur) : quand je ne suis pas en mode performance, je suis en mode création.

Les questions s’enchaînent: comment tout cela est-il censé fusionner? Est-ce que cela se produira ou en émergera-t-elle plutôt une nouvelle façon d’être, d’écouter? Comment composer avec une réalité qui ne génère peut-être pas, au final, de joie profonde?

Voyons voir…

Un peu plus de deux années se sont passées depuis qu’une fracture du gros orteil m’a accroché le pied, entre autres rebondissements. Maintenant une demi année de physio complétée, encadrée par quelques autres suivis en vue de poursuivre une démarche en santé intégrative et toujours des questionnements auxquels s’attarder. Avec l’arrivée de juin, je me sentais assez heureuse de la progression émergeant dans le prolongement des efforts consacrés à changer les choses. Et puis, coup sur coup, déplacement de vertèbre suivi d’une nouvelle fracture de l’orteil « de la performance » comme on l’appelle (l’autre gros orteil) se sont pointés comme une surprise qui n’en était pas une. Les heures et les moments consacrés à la pratique du repos faisaient partie de ma routine et pourtant…Être à l’écoute est une chose. Choisir d’absorber et d’intégrer pleinement ce que l’on entend en est une autre. À bon entendeur, salut! Je m’étais fait prendre au jeu…encore. Faisant oeuvre de patience, j’ai décidé de continuer d’agir en prenant soin. En modifiant le calendrier, tant pour moi que pour les enfants, puisque les facteurs environnementaux et les urgences se modulaient au fil des semaines pour chacun d’entre nous. Et de l’intérieur, parce que les enfants et les animaux me rappelaient constamment à la réflexion, à l’observation, je me suis sentie en paix. Prête à prendre le temps.

On m’a plusieurs fois dit (poliment ou de façon un peu maladroite) que j’étais peut-être trop vieille, pas assez ou trop autre chose, que j’étais étrange, weird, particulière. Que je n’étais peut-être pas une mère adéquate. J’ai entendu et j’y ai cru, en vertu de plusieurs raisons que j’estimais évidentes. Sur le chemin de la transformation, j’ai lu, écouté et me suis laissée inspirer par nombre de créateurs. Et puis les publications de Christiane (Plamondon) ont aussi alimenté ma réflexion. Christiane s’expose dans toute sa vulnérabilité. Ce que j’estime être une force, même – ou surtout – lorsque ça nous rend inconfortable. Les expériences qui jalonnent nos chemins de vie semblent, somme toute, bien différentes, mais je peux me relier à certaines d’entre elles. Elles font partie de ce qui me porte à raviver la croyance que nous ne sommes jamais trop ou pas assez. La promesse de s’engager envers soi-même et de cesser de se freiner avec des mots que l’on martèle jour après jour est un acte qui ne peut naître que de soi. Et il nous appartient d’en faire – ou pas- l’exercice avec constance. Au-delà de la performance

I promised myself to never again believe that I am too old, too much or not enough.

La performance est une poupée russe. Elle nous permet peut-être d’aller explorer plus loin, plus profondément. De prendre en charge des dimensions de soi qui n’auraient pas été explorées autrement. Tout comme les poupées qui s’emboitent les unes dans les autres, elle implique tellement, tellement d’autres dimensions/composantes sur lesquelles on ne pose pas les yeux au premier regard. La performance et l’être sont distincts. Entre les deux, il existe un océan de vie. Nos équilibres


Une performance peut s’avérer phénoménale. Son absence aussi. Une question demeure, sans égard à la réalité à laquelle on l’applique: où se situe-t-on au-delà de la notion de performance?

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