Le Trail Polaire au pays de Duschesnay

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                                            Crédit photo: Olivier Mura (www.oliviermura.net)

Samedi soir, 17 heures.  De la neige à perte de vue, pour cette course polaire, s’étirant comme une autoroute, sur des kilomètres, en nature.  Les montées, comme des buttes de sable, allaient, semblait-il, en faire marcher plus d’un.

Au moment où mes pieds se préparaient à ‘’patiner’’, tout en observant le visage de ceux et de celles qui m’entouraient, tout près de la ligne de départ, je me suis rappelée m’être endormie, tout juste avant de me préparer pour la course, assise sur une chaise berçante, les deux pieds accolés au feu de foyer.  Je me suis rappelée aussi qu’arrivée à l’accueil, dix minutes avant l’appel, absorbée par la fébrilité environnante, j’avais échappé mes gants dans la toilette, pressée, peut-être, de défier l’hiver.  Au passage, j’ai croisé une amie qui avait envie de la vivre tranquille, cette course-là.  Il me semble m’être alors demandé ce qui me motivait à participer. Puis, le départ avait été lancé.

La neige coulait et se cachait sous mes pieds.  Chaque fois que je tentais d’accélérer le pas, elle semblait vouloir me faire dévaler avec elle les quelques mètres que je venais de franchir.  En continuant d’avancer, j’ai porté mon attention sur le moment, sur chaque bouffée d’air que je respirais, pensant aussi au plaisir que j’éprouvais à être dehors.  Je me suis mise à savourer les instants où je me retrouvais seule dans la grande obscurité, entourée d’arbres, m’imaginant bondir dans la neige comme un chevreuil.  Je me sentais émerveillée.

Un peu plus tôt, je m’étais élancée, au départ, avec l’idée qu’une course au parcours en boucle risquait de s’avérer ennuyante.  À mon grand étonnement, chaque kilomètre aiguisait un peu plus mon attention.  Peu à peu, le rythme, bien que rapide, me semblait méditatif.  Je m’éveillais au plaisir d’être moi-même.  Unie.

J’avais ensuite vu défiler, dans ma tête, les visages des amis faisant partie du voyage.  Ceux et celles qui m’encourageaient depuis un bon moment déjà et qui, en ce samedi soir, étaient encore là pour courir, pour lancer de bons mots, pour apporter la chaleur de leur sourire et leur support.  À chacune des boucles complétées, le son d’une présence arrivait comme un cadeau.

Ici et là, je croisais des coureurs, des aguerris, en raquette, des marcheurs et surtout, surtout, des courageux : la neige, comme du sable, se jouait de nos chaussures.  Elle semblait cacher le sol, dissimuler les creux et, de ce fait, titillait la peur de trébucher.  Elle demandait, cette neige, de la patience.  Elle me donnait, à moi, l’envie de persévérer.

En franchissant la ligne d’arrivée, il m’est venu à l’idée que la vie, comme la course, comporte des défis que l’on apprend à relever, peu importe le parcours entrepris.  Je me suis dit qu’on pouvait en choisir des plus ou moins longs, des confortables ou inconfortables, des abrupts, des montagneux, parfois invitants ou encore imprévisibles.  Qu’on pouvait aussi se cantonner à ce que l’on connait – ce qui parait momentanément sécurisant – ou encore choisir d’avancer vers l’inconnu – faire confiance à la vie, à la force qui peut émaner de nous.

Ce parallèle entre la course et la vie en général nourrit la passion que j’ai pour l’une et l’autre.  Ces moments qui nous permettent de tendre vers l’inconnu me rappellent qu’on ne peut jamais tout prévoir et que, même lorsqu’on se sent prêt, il arrive qu’on se laisse surprendre par l’ampleur du chemin qui s’offre à nous.  Il existe, à la rencontre de l’inconnu, une sorte de ‘’thrill’’, une peur, peut-être aussi l’envie de rebrousser chemin, de reprendre là où on en était avant d’oser faire un pas, mais surtout, l’opportunité de découvrir ou d’éclairer une autre partie de soi, une autre route, un sentier, une trail, comme on dit, propices à nous faire grandir encore, à faire naître des sourires, des plaisirs et un bonheur qui n’attendent que nous.

Enfin, on parle de plus en plus de sortir de sa zone de confort; c’est à la mode!  L’image que j’en ai aujourd’hui se rapporte à oser courir vers l’inconnu et y plonger.  Quel que soit le résultat, j’ai tendance à croire qu’on ne peut qu’y gagner, car l’inconnu, à un moment ou un autre, réveille en nous ces trésors qui nous attendent depuis toujours.  Au-delà de tout ce qui peut nous retenir d’avancer, l’inconnu appelle, comme une immense aventure.  C’est, en partie, ce qui me pousse à courir, à vivre, à plonger dans le regard des gens que je croise.  L’inconnu est un lieu de rencontre.

Ce samedi soir-là, après la course, assise près du feu, bien entourée et fatiguée, j’ai ressenti la gratitude de pouvoir me fondre dans le moment.  Je me suis sentie connectée à moi-même, à la nature, à ceux et celles qui m’entouraient.  J’ai éprouvé la satisfaction d’être là, juste là.  Simplement.

Merci Bernice, Chantale, Annie, Normand, Claudine, Corinne, Rachel et Geneviève

 

Isabelle, médaillée en chocolat;)

2e Over All chez les femmes, Trail Polaire du 21 janvier 2017, Horizon 5